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Mardi 27 novembre 2018
Louis-Joseph,
J'ai écris hier à votre chère mère pour qui j'ai beaucoup d'affection. Je sais que sa vie n'a pas été facile et qu'elle a été confrontée à bon nombre de soucis. J'espère en tout cas qu'elle a pu profiter des moments joyeux.
Tout comme votre mère, votre existence a été façonnée par le déroulement de l'histoire. Vous êtes né à la veille de la Révolution française, en août 1788. Votre maman, célibataire, vivait encore avec ses parents dans une maison du domaine du Lüe, situé dans la paroisse de Hayes.Vous êtes encore un petit enfant lorsqu'elle se marie avec Jacques Régulier, domestique du comte de Jobal. Pourtant, cet équilibre familial reste précaire puisque Jacques doit émigrer avec son maître aux pires moment de la Révolution. Votre mère est contrainte de divorcer d'avec son époux et la situation devient difficile. Heureusement, toute la famille est accueillie chez votre oncle à Pontigny.
Malgré ces circonstances misérables, vous suivez une éducation qui vous permettra d'apprendre à écrire. Je suis toujours admiratif de votre signature qui montre votre maîtrise de l'écriture. Votre parrain, Louis Valentin, maître d'école à Servigny, n'y est sans doute pas pour rien.
Après le retour de Jacques Régulier, le noyau familial se reforme pour habiter dans une petite maison située dans la rue principale de la commune des Étangs. Il y avait votre mère, Jacques Régulier, votre frère cadet Jean-Jacques Régulier, et votre petite sœur, Marguerite Gasner, née du second mariage de votre mère avec Nicolas Gasner.
Seulement, quelques années plus tard, vous êtes convoqués. C'est l'heure de la conscription. La Grande Armée a besoin d'hommes car les guerres se suivent et demandent des contingents de plus en plus importants. Au jeu du hasard, vous tirez malheureusement le mauvais numéro.
En juin 1807, vous quittez votre mère pour partir, loin. C'est d'abord Ostende, dans le département de la Lys, où vous suivez votre instruction militaire au sein du 13ème Régiment d'Infanterie Légère.
Je disais que votre vie a été façonnée par l'histoire. Effectivement, à la fin de l'année 1807, l'engagement de la France dans les affaires de la péninsule Ibérique déclenche la guerre d'Espagne. C'est un conflit brutal qui s'étalera sur plus de six ans, et qui affaiblira irrémédiablement l'Empire.
C'est à ce moment que votre bataillon entre dans la formation du 13ème régiment provisoire qui sera ensuite rattaché au 119ème régiment de ligne. Vous partez au combat sur le territoire espagnole.
Les combats s'enchaînent. Vous échappez aux blessures, à la fièvre dysentérique, mais aussi à la mort. Chaque semaine, on compte de plus en plus de blessés, de malades et de décès. Parmi eux, il y avait des compagnons d'arme, mais aussi des amis car c'est tout votre groupe de jeunes conscrits de juin 1807 qui se retrouve dans le 119ème régiment de ligne.
Medina-del-Rio-Seco, Burgos, Saragosse, Avila...
Et puis il y a ce jour du 3 juin 1811, à Astorga. Lors de combats, vous êtes atteint par un coup de fusil à l'avant-bras droit, fracturant le radius. Vous êtes rapatrié à Dax pour être soigné. Malgré les soins, la balle ne peut être extraite. Vous êtes congédié en vous pouvez rentrer au pays, après 4 ans d'absence.
Pendant ce temps, la vie s'était écoulée. Votre mère et Jacques Régulier sont partis rejoindre le bon Dieu. Vous retrouvez alors votre frère et votre sœur, un moment sans doute mêlé d'émotions de joie et de tristesse.
Vous vous marierez ensuite avec Catherine BERARD pour fonder une famille, votre famille. Vous vivrez alors simplement grâce à votre emploi de manœuvre et la pension de 150 francs annuelle que vous recevrez en tant que soldat retraité.
Louis-Joseph, je ne sais pas si je dois vous le demander directement. Pourtant, il me reste une question aujourd'hui sans réponse. Malgré mes recherches et les indices en ma possession, je ne sais toujours pas qui est votre père. Peut-être ne le savez-vous pas vous-même ?
Veuillez recevoir en tout cas, mon chez Louis-Joseph, toute l'affection d'un lointain descendant.
Sébastien
Décidément, quelle famille !
RépondreSupprimerQuelles sont les sources qui t'ont permis de reconstituer son parcours militaire ? J'ai quelques ancêtres dans ce cas (dont un a été blessé aussi) mais les registres matricules ne sont pas très loquaces...
Merci beaucoup Christelle pour ton commentaire.
SupprimerJ'avais retrouvé sa trace dans les registres des soldats pensionnés qui était à l'époque en ligne, en sous-série 2Yf (il faut maintenant se rendre au SHD à Vincennes pour le consulter). J'en avais parlé durant le #ChallengeAZ de 2013 : http://marques-ordinaires.blogspot.com/2013/04/y-comme-serie-yf.html
Avec le numéro de dossier, j'en ai fait une demande de copie que j'ai reçue par courrier. J'ai appris qu'il était entré en 1807 dans le 3è régiment de ligne (c'était en fait le 13e), puis avait été incorporé dans le 119e. J'ai retrouvé le registre matricule du 13è de ligne aux AD de la Moselle, puis le registre du 119e en ligne sur le site Mémoire des Hommes.
C'est sur son dossier de pension que j'ai appris qu'il avait été blessé au bras.
J'ai un autre parcours comme celui-ci avec un ancêtre qui entré dans le bataillon des volontaires de la Moselle et qui a combattu à Fleurus : http://marques-ordinaires.blogspot.com/2013/06/y-comme-serie-yf-la-suite.html
En espérant que ces explications pourront apporter quelques pistes :)
Super, merci beaucoup !
SupprimerDe mon côté j'ai déjà consulté les registres matricules pour 2 ancêtres sur 3 ayant reçu la médaille de Sainte Hélène (pour le 3e je ne connais pas le régiment donc c'est plus compliqué...).
Je sais que l'un d'eux a été blessé vu que dans son acte de mariage il est dit "ancien militaire renvoyé dans ses foyers par suite de blessure" : à la première occasion j'irai donc voir au SHD si par chance il a un dossier de pension, merci du conseil !
Bonne chance pour ces prochaines recherches !
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