mardi 27 mars 2018

#Projet3Mois - Episode 4 - Catherine : une vie bouleversée par la Révolution française

Quatrième et dernier épisode de la vie de Catherine VALENTIN, de 1791 à 1809, année de son décès. Je vous propose dans cet article de découvrir comment la Révolution française a bouleversé la vie de Catherine, de l'émigration de son mari et de son divorce jusqu'à son remariage et aux naissances troublantes...

Un contexte troublé : Révolution française et terreur


Lorsque Catherine met au monde son premier enfant issu du mariage avec Jacques REGULIER, le royaume est en pleine période révolutionnaire. Même si le roi Louis XVI est encore en place, son pouvoir s'amenuise. En avril 1792, le royaume de France déclare la guerre au roi de Bohême et de Hongrie. Il s'ensuit alors une entrée en guerre des puissances européennes qui voyaient d'un mauvais œil la révolution.

La bataille de Valmy (Horace Vernet - National Gallery - Domaine publique - Wikipédia)


Cette période plus que troublée affecte également les campagnes et le château de Lue. En 1791, Joseph JOBAL était Colonel puis Lieutenant-Général au 4ème régiment de Chasseurs (DONOP, 1890). Tout comme la plupart de la noblesse, il était hostile aux idées révolutionnaires et a choisi de quitter la France. Ainsi, le 4 juillet 1792, les douaniers du poste de Collonges (Ain) saisissent une malle et une caisse contenant ses effets et ses armes personnels, parmi lesquels les cravates d’étendards du régiment (BRAYARD et CROYET, 2010). Il s'engage ensuite dans l'armée de Condé, contre-révolutionnaire (L'armée de Condé a été créée par Louis V Joseph de Bourbon-Condé, cousin du Roi et était composée d’émigrés pour lutter pour la révolution française de 1792 à 1801).

En l'absence de Joseph François Louis JOBAL, le château, les terres et les bois de Lue sont confisqués par la Nation. Ainsi, le 9 Germinal de l'An II (29 mars 1794), Bernard VALENTIN, père de Catherine, prête le serment de Garde de Lüe pour la conservation des bois de l'émigré Jobal requis à la Nation (AD57, 2L78).

Joseph de JOBAL n'est pas le seul à quitter le château de Lüe, comme le signale la liste des émigrés établie par André GAIN  :
  • Joseph François Louis JOBAL, fut dénoncé par les trois communes où il avait des biens. Il dut émigrer peu après le 25 juin 1792. Rentré d'émigration, il fit sa déclaration le 17 prairial an X devant le préfet de la Moselle (6 juin 1802).
  • Jacques REGULIER, de Lue, dénoncé par la municipalité de Hayes, fut inscrit par délibération du district de Boulay du 29 juin 1793 et par arrêté du département le 6 juillet suivant.
  • Les deux fils de François COUSIN, de Lüe. Tout comme Jacques REGULIER, tous les deux sont dénoncés par la municipalité de Hayes et furent inscrits par le district de Boulay le 29 juin 1793 et par arrêté le 6 juillet suivant.
Le mari de Catherine part donc en émigration avec Joseph JOBAL. Il est cependant difficile de dater précisément son départ. A t'il suivi son employeur dans son émigration ou l'a t'il rejoint plus tard ?


Catherine et Jacques : un divorce nécessaire...


Le sort des émigrés et des suspects de la République


Décret du 17/09/1793 (Wikipedia)
Devant la fuite des nobles et des personnes hostiles à la révolution, des listes locales de personnes absentes de leur domicile sont dressées conformément aux dispositions de la loi du 1er juillet 1791. Cette "liste des absents" devait recenser les propriétaires fonciers pour leur confisquer leur patrimoine. Ces listes deviennent une arme contre les biens mais aussi contre les personnes sous la forme de « Listes des émigrés » (Archives Nationales).

En septembre 1793, la Terreur est mise à l'ordre du jour de la Convention Nationale pour prendre toutes les mesures nécessaires à sauver les acquis de la Révolution et repousser l'invasion étrangère. Le 17 septembre 1793, la loi des suspects est votée (Source : Hérodote). Ainsi, cette loi visait directement les femmes d'émigrés dans son article 5 :

Sont réputés comme suspects : [...] ceux des ci-devant nobles, ensemble les maris, femmes, pères, mères, fils ou filles, frères ou sœurs, et agents d'émigrés, qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution.  
Dans ces conditions, même si Catherine était restée en France, cette nouvelle loi faisait de Catherine VALENTIN une "suspecte" en puissance... Le divorce était alors plus que nécessaire...

Le divorce de Catherine d'avec Jacques REGULIER


La loi autorisant le divorce en France a été adoptée par l'Assemblée nationale le 20 septembre 1792 et apparaît dans le Décret du 20 septembre 1792 qui détermine le mode de constater l’état civil des citoyens (apparition de l'Etat-Civil) (Source).

Le divorce de Catherine VALENTIN d'avec Jacques REGULIER est effectué en mairie de Hayes le 8 Frimaire de l'an II, soit le 28 novembre 1793 (AD57, 5 MI 312/1). Dans l'acte, il est clairement mentionné que son mari est émigré avec Joseph François Louis JOBAL.

Extrait de l'acte de divorce de Catherine VALENTIN et Jacques REGULIER (AD57, 5MI 312/1)


D'après Jean Lhote (LHOTE, 1972), le divorce était généralement demandé par les femmes d'émigrés pour sauvegarder une partie de leurs biens qui allaient être vendus. Cependant, il en est pour qui la crainte semble avoir joué un rôle certain.


Le jour de son divorce, Catherine VALENTIN est accompagnée de plusieurs "hommes de loi" :
  • Jean-Pierre FLOSSE, homme de loi, 
  • Joseph JACQUEMIN, Huissier
  • Ferdinand Ernest HURTE, notaire public. 
Leur présence ne doit rien au hasard car elle consolide l'acte de divorce. Ils apportent sans doute également une sorte de "caution légale". Ceci est confirmé par l'étude de Jean Lhote qui signale que les divorces sont souvent réalisés sur le conseil d'hommes de loi, tournant la loi pour sauvegarder une partie de leurs biens (Lhote, 1972).


Jacques REGULIER, émigré.. et pourtant père d'un enfant en 1796.

Extrait de l'acte de naissance du 10 Ventôse an IV

Donc, Jacques REGULIER est émigré, et il est logiquement absent... Et pourtant! Le 10 Ventôse de l'an IV (29 février 1796), Catherine donne naissance à un enfant, désigné comme le fils de... Jacques REGULIER, son époux (AD57, 5 MI 312/1)!  C'est à n'y rien comprendre. Prénommé Nicolas Jacques, il décède deux semaines plus tard sous le prénom de Jean Augustin... (une énigme dans l'énigme...)

Jacques REGULIER était-il revenu, ne serait-ce que quelques temps auprès de Catherine ? Je n'ai à ce jour aucune source qui me permettrait de la confirmer.

Quoi qu'il en soit, cette information me conforte dans l'idée que le divorce était un acte de pure forme, qui permettait à Catherine de se séparer officiellement de Jacques et d'éviter d'être suspectée comme ennemie de la Nation.


Mariage surprise de Catherine avec un certain Nicolas GASNER et naissance d'une fille

An X de la République française : nouveaux rebondissements dans la vie de Catherine VALENTIN.

Le deux Vendémiaire de l'An X (24/09/1801), Catherine VALENTIN épouse en secondes noces Nicolas GASNER dans la commune de Pontigny (aujourd'hui rattachée à Condé-Northen).

Nicolas GASNER est un maçon résidant à Courcelles-Chaussy, âgé de 57 ans et veuf de Catherine AUBERTIN. Dans l'acte de mariage, il est bien précisé que Catherine VALENTIN est divorcée d'avec Jacques REGULIER, émigré.

Ce mariage semble s'expliquer par la naissance sept mois plus tard d'une fille. Ainsi, le 4 Floréal de la même année (24/04/1802), Catherine VALENTIN donne naissance à Marguerite GASNER, dans la commune de Bronvaux (AD57, 9NUM/114ED1E1)

Cette naissance à Bronvaux m'interpelle car Pontigny et Bronvaux sont distants de plus de 20 kilomètres à vol d'oiseau... Pourquoi à Bronvaux ? Fallait-il cacher la naissance ?




Et si Jacques REGULIER était le père biologique de Marguerite GASNER ?

Voici une hypothèse possible que je vais tenter de vous expliquer.

Le contexte du retour des émigrés



Un senatus-consulte du 6 Floréal de l’an X (26 avril 1802) accorde l’amnistie générale aux émigrés qui rentreront en France avant le 23 septembre 1802 (premier jour de l’an XI) et prêteront serment à la constitution (TESTE-LEBEAU, 1825 ; WARESQUIEL, 2013).

Le retour de Joseph François Louis JOBAL et de ses domestiques se situe sans doute autour de cette date (ou un peu avant). En effet, l’Armée de Condé dans laquelle Joseph JOBAL était officier a été dissoute le 1er mai 1801. Son retour d’émigration après cette date est possible, même s’il devait rester caché et discret. Joseph JOBAL rentre donc en France après cette date. Il prête ensuite serment à la constitution le 17 Prairial an X, soit le 6 juin 1802 (GAIN, 1925).

Je pense donc qu’il rentre avec Jacques REGULLIER et les deux fils COUSIN entre le mois de mai 1801 et le mois de juin 1802.

Tout est une question de date...


Revenons à la naissance de Marguerite. Sa date de naissance permet de supposer une conception entre fin juillet et mi-août 1801. Or, le mariage entre Catherine VALENTIN et Nicolas GASNER a été célébré le 24 septembre 1801, soit 2 mois après la conception supposée…



Bon. Je n’ai aucune certitude, mais plus j’y réfléchis, plus je pense que l’hypothèse selon laquelle l’enfant serait de Jacques REGULIER est plausible.

En effet, Jacques REGULIER serait vraisemblablement rentré d’émigration dans la seconde moitié de l’année 1801 avec son employeur, Joseph JOBAL. Pourtant, en 1801, leur présence en France restait clandestine, même si le Consulat de Napoléon Bonaparte a fait naître quelques espoirs d’une amnistie des émigrés (WARESQUIEL, 2013).

Suite à son retour, Jacques aurait retrouvé Catherine qui vivait à Pontigny chez sa sœur, Marie, et son beau-frère, Nicolas BERARD. Catherine serait ensuite tombée enceinte. Après deux mois de grossesse, le doute n’était plus possible et il fallait « trouver » un père à l’enfant car il n'était pas possible de le faire reconnaître par Jacques REGULIER, en situation irrégulière. Le choix se serait alors tourné vers Nicolas GASNER, veuf, connu, voire ami de la famille qui vivait à Courcelles-Chaussy. Dans cette folle hypothèse, l’ironie du sort ferait naître Marguerite GASNER deux jours avant le senatus-consulte du 6 Floréal de l’An X qui amnistie les émigrés…

Après la naissance, je ne retrouve plus aucune mention du couple GASNER/VALENTIN. Bien au contraire, le mariage semble avoir été oublié...

Ainsi, l’acte de décès de Nicolas GASNER ne fait aucune mention de son mariage avec Catherine : il décède le 28 avril 1812 à l’âge de 70 ans, veuf de Catherine AUBERTIN (AD57, 5MI158/1). C’est également le cas au décès de Jacques REGULIER. Il décède le 30 août 1809 à son domicile situé dans la commune des Etangs, à l’âge de 64 ans. L’acte d’état-civil et l’acte de catholicité mentionnent tous les deux qu’il est marié avec Catherine VALENTIN, sa survivante (AD57, 61J203/1C1 ; 5MI203/1).

Suite et fin de l’histoire de Catherine… 

J'écris ce dernier chapitre de la vie de Catherine non sans une certaine émotion. Catherine m'a accompagné durant toutes ces dernières semaines, comme un membre de la famille proche... L'évocation de la fin de sa vie résonne comme un deuil.

Sans que je ne sache pourquoi, la vie tourmentée de Catherine touche à sa fin moins d’une semaine après le décès de Jacques : maladie ? chagrin ? Elle décède ainsi le 5 septembre 1809 à son domicile, à l’âge de « seulement » 48 ans.

Les domiciles de Catherine VALENTIN (Fond de carte : Carte d'Etat-Major - Géoportail)

La mort de Jacques et de Catherine laissera trois enfants orphelins:
  • Louis Joseph WALENTIN, âgé de 21 ans, mon aïeul, qui était à ce moment là soldat dans la Grande Armée, 
  • Jean Jacques REGULIER, âgé de 17 ans, manœuvre, 
  • Marguerite GASNER, âgée de 7 ans. 

La jeune Marguerite sera recueillie par Marie VALENTIN, sa tante, et sœur de Catherine (je pense d’ailleurs qu’elles étaient assez proches).

Même s’ils sont issus, a priori, de trois pères différents, les trois enfants resteront proches comme en témoignent leur présence en tant que témoins lors des naissances et baptêmes de leurs neveux ou nièces.



Conclusion (provisoire)

J'arrive à la fin de mes articles sur les épines et mystères de l'histoire de Catherine VALENTIN. Pendant ces trois mois, j'ai essayé de comprendre son parcours en fonction du contexte historique et social. Certes, il me reste beaucoup de questions à résoudre, mais me voilà maintenant avec des hypothèses qui seront à creuser dans mes futures recherches. Certaines questions seront sans doute résolues d'ici quelques semaines ou quelques mois. Je vous tiendrai informé.

Le destin de Catherine est particulier et elle a vécu, bien malgré elle, les conséquences de cette période troublée de l'Histoire. Néanmoins, j'ose espérer que Catherine a pu profiter des quelques beaux moments de sa vie.

Vous trouverez ci-dessous le lien vers les précédents articles :

 Sources :


BRAYARD Laurent et CROYET Jérôme, 2010. Chronologie historique de la révolution française. Société d’Etudes Historiques Révolutionnaires et Impériale. 39p. [En ligne]

DONOP, 1890. Historique abrégé du 4e régiment de chasseurs. Saint Cloud, Impr. Belin frères.168p.

GAIN André, 1925. Liste des émigrés, déportés et condamnés pour cause révolutionnaire du département de la Moselle, 1ère et 2ème partie. Mets, Les arts graphiques. 220p.

LHOTE Jean, 1972. Le divorce et les femmes d'émigrés à Metz sous la terreur in Les Cahiers Lorrains. N°2 Année 1972. pp42-48.

TESTE-LEBEAU Justinien, 1825. Code des émigrés, déportés et condamnés révolutionnairement. Deuxième édition. Paris, 842p. [En ligne].

WARESQUIEL (de) Emmanuel, 2013. Joseph Fouché et la question de l’amnistie des émigrés (1799-1802) » in Annales historiques de la Révolution française, 372 | avril-juin 2013 [En ligne].

Archives nationales :

  • F/7 Police générale - Emigrés : demandes de radiation de la liste et de main-levée de séquestre. Présentation générale du fonds [En ligne]

Archives départementales de la Moselle :

  • 9NUM/114ED1E1, paroisse et commune de Bronvaux. Baptêmes, mariages, sépultures (1791-1792). Naissances, mariages, décès (1793-an X). 
  • 5MI158/1, commune de Courcelles-Chaussy. Registres d'état-civil NMD An II-Juillet 1836, microfilms de substitution;
  • 5MI203/1, commune des Etangs. Registres d'état-civil NMD  1792-1892, microfilms de substitution.
  • 61J203 1C1, paroisse des Etangs. Registres de catholicité BMS 1808-1818.
  • 5 MI 312/1, commune de Hayes. Registres d'état-civil NMD 1792-1892, microfilms de substitution.
  • 2L78. Tribunal de Boulay. - Délits forestiers, feuilles d'audience et extraits des liasses de rapports de délits champêtres, réception de gardes forestiers (1791-an II). Pièce de procédure civile (1791).

vendredi 23 mars 2018

#Projet3Mois - Episode 3 - Des questions sur l'origine de Jacques REGULIER, premier époux de Catherine VALENTIN

Nous arrivons fin mars et mes recherches de mon #Projet3Mois avancent tout doucement. J'attends impatiemment l'acte de baptême d'une sœur de Catherine VALENTIN, née à Cologne en 1763, qui devrait me permettre d'avancer sur le contexte de la naissance de Catherine. En attendant, je vous propose de partir à la rencontre de Jacques REGULIER, son premier mari. En effet, il me pose pas mal de questions sur ses origines et surtout sur un possible "acte criminel" de son père... 

Qui est Jacques REGULIER ?


Après la naissance de ses deux enfants naturels, Catherine VALENTIN se marie à Hayes avec Jacques REGULIER, le 11 octobre 1791 (AD57 - 2MI376/1). Ce dernier vit également à Lüe où il est domestique de M. JOBAL, propriétaire du château, et dont j'ai parlé dans mon dernier article.

Jacques REGULIER est originaire de la paroisse d'Athée, anciennement en Anjou, dans la Baronnie de Craon (aujourd'hui département de la Mayenne). Il est né le 5 novembre 1744 et il est le fils de Jacques REGULIER, marchand, et d'Anne LEBA(S)TARD (AD53 - BMS-Athée 1712-1746).


Baptême de Jacques REGULIER le 6/11/1744 (AD53 - BMS-Athée 1712-1746)
La famille Régulier s'installe ensuite dans la paroisse de Livré (à quelques lieux d'Athée). En avril 1753, Anne LEBA(S)TARD meure à l'âge de 34 ans. Jacques a 8 ans (AD53 - BMS Livré-la-Touche 1751-1769).


Extrait de la carte dite "de Cassini" - Feuille de Laval (n°97) - BNF/Gallica


Le père de Jacques se remarie quelques mois plus tard avec Julienne POTTIER, originaire de la paroisse de Livré. Ils auront au moins sept enfants dont deux arriveront de façon certaine à l'âge adulte :
  • Jacques REGULIER (encore un Jacques, je l'appelle "le jeune"), né le 23 janvier 1763 à Livré,
  • Louise Françoise REGULIER, née le 25 mai 1764 à Livré.


Quand un certain Jacques REGULIER est poursuivi pour vol et bris de prison...


Extrait Inventaire Sommaire AD53.
Mes recherches m'ont amené à parcourir les inventaires sommaires des archives de la Mayenne, et en l’occurrence la série B (Duchemin et al., 1904).

Parmi les documents, je retrouve l'existence d'une procédure criminelle contre un certain Jacques REGULIER, poursuivi pour "vols et bris de prisons", en date du 18 novembre 1767 (Cote B3153). S'agit-il du futur mari de Catherine ? de son père ? d'un homonyme ?

Un premier passage aux archives départementales de la Mayenne m'a permis de consulter le document relatif à cette procédure. J'y découvre les circonstances de l'évasion rocambolesque de ce Jacques REGULIER, avec divers procès-verbaux et témoignages. Malheureusement, je ne retrouve aucune mention de son origine ou d'un membre de sa famille. Le mystère reste entier concernant l'identité de ce "criminel"...


Tout vient à point à qui sait... persévérer !


J'avais cette information depuis plusieurs années. Pourtant, je n'avais pas pris le temps ou la peine de chercher plus loin pour savoir qui était vraiment ce Jacques REGULIER, poursuivi pour son évasion de la prison de Craon. Le #Projet3Mois m'a permis d'enfin résoudre cette énigme.

Il y a quelques semaines, j'ai repris l'analyse de l'inventaire sommaire des archives de la Mayenne pour y recenser tous les documents et sources qui pourraient m'en apprendre plus sur cet évènement. J'ai pointé une dizaine de cotes. Parmi elles, figurent les livres d'écrou de la prison de Craon, là où il était détenu (Cote B3168).

Je n'ai pas eu besoin de chercher longtemps car, en deuxième page, je retrouve l'écrou de Jacques Régulier :

Transcription de l'écrou de Jacques Régulier (AD53 - B3168)

Jacques REGULIER est donc originaire du village de la Gaullerie, de la paroisse d'Athée. Tout se précise. Trois sources et informations me permettent désormais de penser que ce Jacques REGULIER, emprisonné à la prison de Craon, est bien le père de Jacques, futur époux de Catherine VALENTIN :

  1. Lors du baptême de son dernier fils, en juin 1766, Jacques REGULIER réside bien à la Gaul(l)erie, en la paroisse d'Athée (AD53 - BMS de la paroisse d'Athée)
  2. Le registre des rôles de taille et de capitation pour l'année 1767 montre effectivement la présence d'un seul Jacques REGULIER, à la Gaulerie (AD53 - C56)
  3. Enfin, les témoignages de la procédure de poursuite pour bris de prison évoquent la présence à plusieurs reprise de la femme dudit Jacques REGULIER à proximité de son cachot (AD53 - B3153)
Tous ces indices laissent à penser que le père de Jacques REGULIER, futur mari de mon aïeule, a été emprisonné pour divers crimes et s'est ensuite évadé dans une histoire rocambolesque que je vous raconterai dans un prochain article.

Quelle fin pour Jacques REGULIER, père ?


Je ne retrouve plus aucune trace de Jacques REGULIER après son évasion, exceptées des mentions dans des actes civils. Ainsi, il ne serait pas présente en 1768, lui et son épouse, Julienne POTTIER, pour établir les comptes de tutelle des enfants pour lesquels ils étaient tuteurs (AD53 - B3012 et 3097).

En généalogie, il ne faut rien négliger. J’ai continué mon enquête en retraçant la vie des enfants de Jacques REGULIER et de Julienne POTTIER. C’est son pus jeune fils, Jacques, qui va me permettre de préciser la destinée de son père.

Jacques "le jeune" s’est marié en première noce avec Jeanne RAYON, dans la commune d’Azé (proche de Château-Gontier). Ils s’installent ensuite à Angers où il devient Cardeur de Laine. Après le décès de sa première épouse, en septembre 1817, il se marie en secondes noces avec Madeleine PERAULT (AD49 - Comm. Angers NMD 1823-3e Arrdmt). L’acte de mariage est très détaillé et nous apprends plusieurs informations :
  • Son père est dit « décédé dans les isles sans savoir l’époque de son décès » 
  • Sa mère, Julienne POTTIER est décédée à l’Hospice de Craon le 1er février 1786. 
Extrait de l'acte de mariage de Jacques REGULIER et Madeleine PERAULT (AD49 - NMD-Angers (2/3ème Arrdmt) 1823)



La mention « décédé dans les isles » me fait penser à une condamnation au bagne ou aux galères. Pourtant, les quelques sources disponibles en ligne ne me permettent pas de le retrouver :
  • La base des bagnards originaires du nord-ouest de la France (http://www.galfor.fr/search.php) ne donne rien. 
  • La base des ANOM ne donne rien non plus, puisque la liste nominative des bagnards débute au 19ème siècle. 
Il reste éventuellement à rechercher dans les registres des bagnes à Brest, mais la tâche s'annonce longue et fastidieuse... 


Pourquoi Jacques REGULIER, fils, est-il parti d'Athée pour s'installer à Lüe ?

La paroisse d'Athée est située à plus de 700 kilomètres du château de Lüe. Pourquoi, quand, et dans quelle circonstance Jacques REGULIER a t'il quitté sa région natale pour s'installer dans cette partie du Royaume ?

Un engagement militaire ?

D'après Alain Corvisier (Corvisier, 1970), l'engagement militaire est un facteur de migration au XVIIIème siècle. Les migrations s'effectuent généralement lorsqu'un soldat se marie avec une jeune fille lors du campement des troupes. Il existe également d'autres cas où les militaires en fin de service s'installent par groupe dans un village ou une ville, surtout s'ils n'ont pas ou plus d'attaches familiales. Une des hypothèses serait donc que Jacques REGULIER a été soldat et se serait retrouvé dans le secteur de Metz. Je n'ai aucun élément ou indice allant dans ce sens.

Un exil forcé ? 

Jacques REGULIER était âgé de 23 ans au moment de l'emprisonnement de son père et de son évasion. A t'il participé à son évasion ? Dans ce cas, a t'il été contraint et forcé de fuir sa région natale pour ne pas être inquiété par la justice locale ? Cette hypothèse est également possible.



Cet article se termine sur de nombreuses questions. 
Je suis en tout cas intéressé par vos suggestions et commentaires (notamment, si vous avez des idées de sources complémentaires ou d'autres hypothèses sur la raison qui a conduit Jacques REGULIER a s'installer près de Metz). 

Dans le prochain article du #Projet3Mois, j'essayerai de comprendre ce qui a poussé Catherine VALENTIN à divorcer d'avec Jacques REGULIER... 

Sources :

Corvisier, 1970. Service militaire et mobilité géographique au XVIIIe siècle. In: Annales de démographie historique, 1970. Migrations. pp. 185-204.

Duchemin, de Martonne et Laurain, 1904. Inventaire sommaire des Archives Départementales de la Mayenne antérieures à 1790 - Série B, Tome Deuxième. Laval, L. Barnéoud. 409p.

Archives départementales du Maine-et-Loire (AD49):
  • NMD - Angers (2/3ème Arrdmt) 1823. Etat-Civil - Commune d'Angers. Mariage de Jacques REGULIER et Madeleine PERAULT, le 2/09/1823 [En ligne].

Archives départementales de la Mayenne (AD53):
  • B3012 - Sénéchaussée et Baronnie de Craon - Audiences civiles, criminelles, de police et des eaux et forêts (1767-1770).
  • B3053 - Sénéchaussée et Baronnie de Craon - Civil - Tutelles et curatelles, avis de parents, bénéfices d'âge et d'inventaire... (1767-1771)
  • B3153 - Sénéchaussée et Baronnie de Craon - Grands et petits criminels - Procédures et sentences (1766-1769).
  • B3168 - Sénéchaussée et Baronnie de Craon - Livre d'écrou de la prison de Craon (1767-1789)
  • BMS-Athée 1712-1746. Registres paroissiaux - Paroisse d'Athée - Baptême de Jacques REGULIER le 06/11/1744 [En ligne].
  • BMS-Livré-La-Touche 1751-1769. Registres paroissiaux - Paroisse de Livré - Sépulture d'Anne LEBASTARD - 11/04/1753 [En ligne].
  • C55 - Rôles de tailles et de capitation de la paroisse d'Athée.

Archives départementales de la Moselle (AD57) :
  • 2MI-376/1 - BMS 1668-1792 ; NMD 1793. Registres paroissiaux - Commune de Hayes - Mariage de Jacques REGULIER et Catherine VALENTIN le 11/10/1791. 
Bibliothèque Nationale de France
  • Extrait de la carte dite "de Cassini" - Feuille de Laval (n°97) - BNF/Gallica

samedi 17 mars 2018

#RDVAncestral - Une rencontre à contretemps


Comme chaque mois, Guillaume Chaix et toute l'équipe du #RDVAncestral  nous proposent de partir à la rencontre de nos ancêtres. Pour cet épisode, j'avoue avoir été pris de cours en découvrant il y a trois jours l'échéance fatidique. Pourtant, le Rendez-Vous a bien eu lieu, dans une situation que je n'avais pas encore envisagé...


Mercredi 14 mars 2018

Je suis confortablement assis dans mon fauteuil de bureau, la souris d'ordinateur dans la main droite, et une tasse de café dans la main gauche. J'ai un peu de temps devant moi et je décide de commencer la rédaction d'un article-bilan sur le premier Raconte-Moi Nos Ancêtres (#RMNA). Pour me remémorer l'ensemble des contributions, je consulte le site http://rdvancestral.com. Sur la page d'accueil un petit rappel signale le prochain rendez-vous :

#RDVAncestral n°19 - 17 mars 2018 - Plus que 3 jours.

Plus que 3 jours ! Moi qui étais persuadé d'avoir encore une semaine, je tombe de haut. Certes, cette nouvelle ne va pas bouleverser ma vie, mais je suis quelque peu ennuyé. Je ne suis pas certain de trouver le temps de préparer mon prochain #RDVAncestral...



Jeudi 15 mars 2018, 7h00

Bon. Il est clair maintenant que je suis vraiment trop en retard pour le #RDVAncestral de ce mois de mars. Entre les obligations professionnelles et la vie de famille, je n'ai plus que deux petites heures disponibles d'ici samedi matin. Ce n'est vraiment pas assez...

Jeudi 15 mars 2018, 17h30

Après une journée de travail et de rendez-vous professionnels, je prends la route pour revenir à la maison. La perspective de retrouver ma femme et mes enfants m'enchante et ce n'est pas la pluie de ce début de soirée qui va effacer ma bonne humeur.

Après une bonne demie-heure de route, j'arrive à mon domicile. Il est assez tôt et je suis donc seul à la maison. Je sors de ma voiture et je m'empresse de fermer le portail quand un jeune homme vient à ma rencontre. Je suis assez surpris car les passants sont plutôt rares dans ce petit village de Bretagne qui ne compte que six maisons!

Son visage ne me dit rien, pourtant j'ai l'impression de le connaître. Il s'approche de moi et engage la conversation :

- Bonjour monsieur, je cherche un certain M. Dellinger, est-ce que vous le connaissez ?
- Oui bonjour, c'est moi-même. 

A ma réponse, son visage s'illumine. Il esquisse un sourire mais semble pourtant un peu embarrassé. Quelques secondes de silence s'écoulent et, voyant qu'il n'osait rien dire, je reprends notre échange :
- Vous souhaitez quelque-chose ? Qui êtes-vous ?
- Je suis en fait un cousin éloigné, mais vous ne me connaissez pas. Même si cela vous semble étrange, je souhaite vous interroger sur vous et votre famille.

Soudain, je repense au #RDVAncestral. Une idée furtive me traverse l'esprit : ce curieux visiteur ne serait-il pas un de mes descendants, venant pour un RDVAncestral ? Non, ce n'est pas possible... Pourtant.... Est-ce que je mets les pieds dans le plat, au risque de passer pour un fou ? De toute manière, je ne le connais pas, et puis il n'y a aucun risque à se ridiculiser. Finalement, je me lance :
- En vous voyant, j'ai l'impression de voir un de mes enfants, ou plutôt un de mes descendants. Je me trompe ?
- Non, euh... en fait, euh... vous n'allez pas me croire, mais je suis un de vos descendants.

Mon intuition était la bonne. Voici que je me retrouve être l'hôte d'un de mes descendants dans le cadre du #RDVAncestral ! Je suis d'abord heureux de constater que le #RDVAncestral existe toujours. Je suis également ravi de cette nouvelle expérience. Je décide de continuer la discussion en l'invitant à rentrer à la maison, à l'abri de la pluie. Je suis curieux de le connaître et surtout de savoir de quelle époque il vient...

- Je pense que l'on peut se tutoyer. Comment t'appelles-tu ? Tu es né en quel année ?
- Je m'appelle Alphonse. Je suis né en 2103. D'après mes recherches, vous... enfin tu es mon sosa 24, c'est-à-dire mon arrière-arrière-grand-père du côté de ma mère. 

Je suis donc son arrière-arrière-grand-père... Cette nouvelle me fais prendre un sacré coup de vieux ! Je prends alors conscience du temps et des générations qui passent. Entre lui et mes propres arrière-arrière-grands parents, je ne suis finalement qu'un maillon d'une chaîne, un passeur de vie. Cette idée m'emplit de sentiments troublés que j'ai du mal à définir.

Voyant mon émoi, Alphonse reprends la parole:
- Je voulais te rencontrer car je me pose beaucoup de questions sur la famille. Les données et les sources sont nombreuses mais lacunaires. Beaucoup de données numériques ont disparu avec le temps. Heureusement qu'il existait encore des archives au format papier ! D'ailleurs, c'est grâce à toi que je me suis passionné pour la généalogie. J'ai retrouvé beaucoup de tes résultats de recherches et des articles dans une vieille malle dans le grenier de mes grands-parents.
- Je suis très heureux que mes recherches se sont pas tombées dans l'oubli et qu'elles t'ont donné le goût à la généalogie ! Que souhaites-tu savoir ?
- J'ai surtout une question qui me tracasse. Pourquoi as-tu quitté la terre de tes ancêtres ? Pourquoi es-tu parti t'installer en Bretagne?  Avais-tu un différend avec ta famille ? Étais-ce à cause de la crise de la sidérurgie ?
J'esquisse un sourire et je me dis qu'il mélange tout. Pourtant, la naïveté de sa question me touche et me renvoie à mes propres interrogations. Avec le temps, les souvenirs et les circonstance des évènements qui ponctuent nos vies s'effacent inexorablement... Le chercheur désemparé se retrouve alors à chercher des indices et à poser des hypothèses à partir de petits bouts de vérité.


Je réponds du mieux que je peux à sa question et nous bavardons quelques minutes. Puis c'est le moment de nous quitter. J'embrasse Alphonse et le serre dans mes bras. Dehors, la pluie a cessé. Je le raccompagne et je le laisse partir. Finalement, mon #RDVAncestral a bien eu lieu et m'a encore une fois touché au plus profond de mon cœur.

mardi 13 mars 2018

#Projet3Mois - Episode 2 - Qui est le père de Louis Joseph VALENTIN ?

Pour ce deuxième épisode de mon #Projet3Mois sur Catherine VALENTIN, je vais essayer de répondre à la question "Qui est le père des deux premiers enfants de Catherine ?". En effet, en 1788 et 1790, Catherine donne naissance à deux fils, nés de père inconnu. Cette question est d'autant plus importante que l'ainé, Louis Joseph, est mon aïeul. Malheureusement, faute de déclaration de grossesse et de reconnaissance, même tardive, je ne peux aujourd’hui qu’établir des hypothèses… 


Le point de départ : 5 enfants pour combien de pères ?


Dans l’état actuel de mes recherches, Catherine VALENTIN a eu 5 enfants de 1788 à 1802 :
  • Louis Joseph VALENTIN, né de père inconnu le 25 août 1788 à Lüe (Hayes),
  • Joseph VALENTIN, né de père inconnu le 22 octobre 1790 à Lüe (Hayes),
  • Jean Jacques REGULIER, fils de Jacques REGULIER, né le 9 novembre 1792 à Lüe (Hayes),
  • Jean Augustin REGULIER, fils de Jacques REGULIER, né le 10 Ventôse An 4 (29/02/1796) à Lüe (Hayes),
  • Marguerite GASNER, fille de Nicolas GASNER, née le 4 Floréal An 10 (24/04/1802) à Bronvaux,


Elle avait 27 ans à la naissance de son fils ainé et 41 ans à la naissance de sa fille, Marguerite.



Catherine VALENTIN s’est d’abord mariée avec Jacques REGULIER avant de divorcer, puis de se remarier avec Nicolas GASNER. Finalement, elle finira sa vie avec Jacques REGULIER, son légitime époux… mais ceci est une autre histoire qui fera l’objet de prochains articles.

Afin de déterminer les différents prétendants au rôle de père des premiers enfants de Catherine, j’ai d’abord essayé de reconstituer le contexte social du domaine de Lüe ou vivait la famille VALENTIN.


Essai de reconstitution de la structure sociale du château de Lüe


A la veille de la Révolution, la propriété de Lüe est située dans la paroisse de Hayes, à moins de deux kilomètres du village et de son église.

Carte de l'Etat-Major (1820-1866) Source : Géoportail - IGN


Le Château de Lüe (Source : Delcampe)
Le château appartient à la famille JOBAL qui l’a acquis en 1749. Le propriétaire est Joseph François Louis JOBAL, né à Metz le 26 mars 1746. Il était lieutenant-colonel des chasseurs de Languedoc puis colonel des chasseurs des Trois Évêchés pendant la guerre de Sept Ans (BEGIN, 1930; GAIN, 1925).

Pour avoir une idée de la population qui vivait au château de Lüe à la veille de la Révolution française, je dispose d'une source principale : les registres paroissiaux et d'état-civil. J'ai également pu consulter le recensement de 1810 qui donne une petite idée de la hiérarchie sociale de cette période.

Le tableau suivant synthétise l'ensemble des informations en ma disposition.

  • En "haut" de l'échelle sociale, on retrouve la famille JOBAL, propriétaire du château et des terres.
  • Viennent ensuite Bernard VALENTIN, garde de Lüe, puis les fermiers ou admodiateurs qui avaient en charge la gestion des terres agricoles (familles HURLIN/BOGENEZ). 
  • La famille JOBAL faisait appel également à un économie, un concierge et à un jardinier pour gérer le parc et le château.
  • Enfin, en me basant sur recensement de 1810, on peut estimer que le château nécessitait la présence d'une quinzaine de servantes et domestiques.  
Nous arrivons donc à une trentaine d'habitants à Lüe.

La piste du prénom des deux enfants naturels


Revenons au sujet de notre article.

Lorsque Catherine met au monde ses deux enfants naturels en 1788 et 1790, elle choisit de les appeler Louis Joseph et Joseph. Le prénom Joseph revient donc à chaque fois (Registres paroissiaux de Hayes). Au hasard d’un tweet de Sophie Boudarel, j’apprends que dans certains cas, la mère décidait de donner le prénom du géniteur, ne pouvant donner le patronyme du père biologique. Alors, est-ce que Catherine a prénommé ses deux fils Joseph comme un signe pour identifier le père ? C’est possible.

Dans cette hypothèse, j’ai essayé de retrouvé toutes les personnes qui vivaient à Lüe et qui portaient le prénom « Joseph » en 1788. Hormis le frère de Catherine, j’ai retrouvé deux hommes :
  • Joseph HURLIN, âgé de 29 ans. Il est fermier à Lüe, et ami de Bernard Valentin 
  • Joseph François Louis JOBAL, propriétaire du château et des terres, âgé de 40 ans. 
Concernant Joseph HURLIN, je ne suis pas certain qu’il s’agisse du père des deux enfants. Certes, il est célibataire en 1788 et a le même âge que Catherine. Pourtant, s'il s'avérait être le père, il se serait marié avec Catherine, car il avait a priori le même niveau social que la famille VALENTIN. Par ailleurs, il reste ami de Bernard VALENTIN. Je ne pense pas qu’étant donné les faits, il le soit resté.

Il reste Joseph François Louis JOBAL. Il est âgé de 40 ans, n’est pas marié et vit à Lüe ou à Metz. L'analyse de l'acte de baptême du premier enfant de Catherine me fait dire qu'il est très probable qu'il soit le père naturel de celui-ci, Louis Joseph. Louis Joseph est né le 25 août 1788 à Lüe et il a été baptisé le même jour (AD57 - 9NUM312ED1E3). Le parrain de l’enfant est choisi dans la famille proche, puisqu’il s’agit de Joseph VALENTIN, frère de Catherine, et oncle de l’enfant. Logiquement, l’enfant doit s’appeler Joseph. Pourtant, le prénom Louis est ajouté au prénom du parrain. Je n’ai trouvé aucun « Louis » dans la famille de Catherine ou parmi les proches, excepté Joseph François Louis JOBAL… Dans cette hypothèse, Bernard VALENTIN ne pouvait rien dire, puisque c'est M. JOBAL qui l'employait.

Acte de baptême de Louis Joseph V(W)ALENTIN (AD57 - 9NUM/312ED1E3, Vue 187)


Sous l'Ancien Régime, en Moselle, il existe des cas où la mère-célibataire attaquait devant la Justice Seigneuriale le père biologique de l'enfant. On retrouve ainsi des cas de servantes demandant réparation auprès de leur maître. Pour autant, le nombre de femmes demandant réparation est bien faible car une action en justice demande des moyens financiers conséquents et expose la femme et sa famille à une enquête au cœur même de la communauté d'habitants (KIEFFER, 2008). On imagine alors que dans ce cas, la seule solution reste de ne rien dire...


Jacques REGULIER pouvait-il être le père des deux enfants ? 


Il reste l’hypothèse « Jacques REGULIER ».

Jacques REGULIER, domestique de M. JOBAL, est le premier époux de Catherine VALENTIN. Ils se marient à Hayes le 11 octobre 1791. Lors de cette union, son père, Bernard VALENTIN, est présent, ainsi que Joseph HURLIN (ami) et Joseph VALENTIN (frère de Catherine).

Je ne pense pas que Jacques REGULIER était le père de Louis Joseph. En effet, le mariage entre le père biologique et la mère des enfants naturels étaient généralement des mariages de "réparation" qui permettaient de régulariser des situations peu tolérées à cette époque. Si Jacques REGULIER avait été le père, il aurait reconnu les enfants.

Conclusion


En conclusion, les quelques indices que j’ai à ma disposition me permettent d’émettre l’hypothèse que Joseph François Louis JOBAL est peut-être le père des deux premiers enfants de Catherine VALENTIN. Je n’ai rien d’autre qui puisse confirmer ou infirmer mon hypothèse. Cependant, j'ai quelques maigres indices et une intuition. Pas très scientifique tout cela, mais la généalogie garde sa part de mystères... Je n’ai également aucun élément me permettant de savoir ce qu’il s’est passé : un amour interdit entre deux personnes d’un niveau social différent ? Un abus de la part de M. Jobal ? Il me reste cependant à dépouiller les archives judiciaires en espérant y retrouver d'autres indices... Si vous connaissez d’autres pistes que je n’aurais pas exploitées, n’hésitez pas à m’en faire part en commentaire ! 

Dans le prochain chapitre, nous partirons en Mayenne pour retracer les origines de Jacques REGULIER. Vous découvrirez notamment que son père a vraisemblablement était emprisonné à la prison de Craon et a réussi une évasion digne d’un roman ou d’un film. 

Sources


Académie nationale de Metz, 1911. Mémoires de l'Académie nationale de Metz. 548p. Metz, Imprimerie Lorraine.

BEGIN Emile-Auguste, 1830. Biographie de la Moselle ou histoire par ordre alphabétique de toutes les personnes nées dans ce Département, qui se sont fait remarquer par leurs actions, Volume 2. Veronnais, Metz. 580p.

GAIN André, 1925. Liste des émigrés, déportés et condamnés pour cause révolutionnaire du département de la Moselle. Les Arts Graphiques, Metz.

KIEFFER Jean, 2008. Destins de femmes - La condition des femmes des campagnes lorraines avant la Révolution. Ed. Serpenoise. 142p.


Archives Départementales de la Moselle :

  • Commune de Hayes. Recensement de 1810, issu des archives communales (AD57 - 312ED1F1)
  • Paroisse de Hayes. Registres paroissiaux BMS (Arch. Dép. de la Moselle, 9NUM-312ED1E3). 

jeudi 8 mars 2018

#RMNA 2018 - Episode 4 : Catherine... la fin de la guerre ? A quoi bon !

Quatrième et dernier article de la première saison de #RMNA – Raconte-Moi Nos Ancêtres. Le principe est simple:  prendre une année comme point de départ d'une saga ou d'une série d'articles. Pour cette saison, notre point de départ à tous est l'année 1918. 

Dans les trois premiers épisodes, j'ai souhaité montrer, au travers des parcours de Pierre, Paul et Chrétien, que la fin de la guerre a eu des conséquences diverses en Moselle, redevenue française. Pour ce dernier épisode, 8 mars 2018, je vous propose le portrait d'une femme, Catherine BAUR, mon arrière-arrière-grand-mère.

La fin de la guerre ? A quoi bon !


11 novembre 1918, village de Schell

En cette journée de novembre 1918, il règne une agitation inhabituelle dans le petit village de Schell. Dans la rue, des hommes et des femmes sont attroupés. L'un d'entre-eux tient un journal à la main : le Lothringer Zeitung. En gros titre on peut y lire :

Die Waffenstillstandsbedingungen angenommen.
Les conditions d'armistice acceptées.

Einstellung des Feindseligheiten heute Mittag ! 
Suspension des hostilités aujourd'hui à midi !

Ubdankung des Kaisers. 
Abdication de l'Empereur. 
 
L'homme qui tient le journal à la main arrive de la ville de Metz. Il est venu pour faire part des nouvelles au reste de sa famille.
- Regardez ! La guerre est terminée, mais le journal ne dit pas tout ! On parle d'une arrivée des soldats français dans les prochains jours à Metz et dans toute l'Alsace-Lorraine ! Les troupes allemande refluent vers la Sarre.
- Mais que va t'il arriver à nos enfants, soldats allemands ?
Les questions et les discussions continuent de plus belle pendant qu'une femme, habillée de noir, sort de sa maison avec ses trois filles. Le visage est mêlé de tristesse et de gravité.
- Que vous arrive t'il ?
- Catherine, regardez, l'armistice a été signé, Guillaume II a abdiqué, la guerre est terminée !
- La guerre est terminée? Et vous croyez que ça va faire revenir mes deux garçons?

Le silence se fait dans l'assistance. Catherine a perdu ses deux fils au début de la guerre. Pourtant, malgré les années, la douleur est encore là, elle qui chérissait tant ses deux garçons. D'un signe de la main elle demande à l'une de ses filles de rentrer à la maison "Lisa, rentrons et laissons-les". Ses deux autres enfants sont restées à l’extérieur. La plus jeune d'entre-elles, Céline, prend alors la parole :
- N'en voulez pas à ma mère. La mort de mes frères l'a profondément touchée et elle ne s'en remet pas.
- Nous comprenons Céline. La douleur d'une mère s'estompe difficilement avec le temps.
Le groupe échange encore quelques mots avant que tout le monde retourne à ses occupations. En cette journée du 11 novembre 1918, les habitants de Schell ne savent pas encore quel va être leur destin..


Catherine BAUR, une femme meurtrie


Catherine BAUR est mon arrière-arrière-grand-mère du côté maternel (sosa 27). Née française à Schell en décembre 1863, elle devient allemande en 1870 lors de l'Annexion. A 24 ans, elle se marie avec Louis LANG dont elle était follement amoureuse. Le couple s'installe d'abord dans le village de Metzeresche situé à quelques kilomètres de Schell. A la fin de l'année, la naissance de leur premier fils, Pierre, vient sceller cet amour.  La famille est plutôt modeste et vit grâce aux revenus de Louis qui est journalier. Au début de l'année 1891, Catherine donne naissance à une fille, Elisabeth, que les parents surnommeront affectueusement Lisa.

Carte des environs de Luttange. Schell se trouve au nord-ouest et Metzeresche au nord-est (Source : BNU de Strasbourg)


En 1892, la famille retourne à Schell pour s'y installer, et en octobre, leur troisième enfant, Charles, voit le jour. Pourtant, la fin de l'année se termine tragiquement. Louis meurt le 17 décembre, la veille de son 31ème anniversaire. Pour Catherine, la mort de son mari est un véritable drame, elle qui en était tellement amoureuse. Elle ne s'en remettra jamais.

La maison "Neisse" à Schell en 2010 (Google Stree-View)
A tout juste 29 ans, Catherine est veuve avec trois enfants en bas-âge. Le remariage est pour elle une nécessité. Moins d'un an plus tard, elle épouse le jeune Pierre NEISSE, 26 ans, originaire de Volstroff, et valet de profession.

Un an après leur union, Catherine met au monde une petite fille, qu'ils prénomment Marie; puis en mai 1897, la famille s'agrandit encore avec l'arrivée de Céline. Pourtant, l'équilibre familial qu'avait retrouvé Catherine vole à nouveau en éclat à la fin du mois de septembre 1900. Pierre meurt et la laisse, veuve, avec cinq enfants..

Cette fois si, Catherine ne trouve plus le courage de se remarier. Son fils ainé, Pierre, alors âgé de 11 ans, l'aide particulièrement dans l'exploitation des deux-trois hectares de terres et de prairies qu'ils possèdent.

La vie s'écoule ensuite dans la maison de Schell. Les enfants grandissent. En octobre 1913, Charles est appelé pour le Wehrpflicht (le service militaire). 

A la mobilisation du 3 août 1914, Pierre et Charles sont appelés pour rejoindre les troupes. Pierre entre dans le Reserve-Infanterie-Regiment Nr. 30 (30ème Régiment d'Infanterie de Réserve) et Charles continue dans le régiment où il effectue son service, le 2e régiment d'artillerie à pied Royal bavarois. Mais l'année 1915 va de nouveau amener le chagrin dans le cœur de Catherine. Au mois de mars, Pierre meurt à l'hôpital de Bonn. Quatre mois plus tard, c'est au tour de Charles de perdre la vie dans les combats du Ban de Sapt, dans les Vosges.

Quel terrible douleur pour Catherine ! La perte effroyable de ses deux fils lui rappelle la mort de Louis, son cher Louis. Malheureusement, les cris et les pleurs d'une mère n'y peuvent rien. Seul le temps réussira à atténuer un peu le chagrin, sans le cicatriser complètement.


Catherine portera ainsi toute son affection pour sa fille Lisa, seule preuve vivante de son amour perdu avec Louis. Marie et Céline se sentirons alors délaissées par leur mère...

Les enfants de Catherine BAUR

Après la fin de la guerre, ses trois filles se marient : Lisa avec Jules FLAMMAND, de Manom, Marie, avec Joseph KREMER, de Florange et enfin Céline avec mon arrière-grand-père, Pierre HOURTE de Vinsberg, dont j'ai relaté l'histoire au premier #RMNA.

Catherine part finalement s'installer avec sa fille Lisa, à Manom, où elle meurt le 12 mai 1933, à l'âge de 69 ans.

Collection personnelle et familiale

La première saison du #RMNA se termine donc ici. Vous trouverez sur le site du #RDVAncestral l'ensemble des excellents textes de tous les participants, que je vous conseille de lire et de relire ! J'espère en tout cas que vous avez apprécié mes contributions !


Sources :

- Archives Départementales de la Moselle pour l'ensemble des actes de naissance, mariage et décès de la famille de Catherine BAUR,
- Archives Départementales de la Moselle - Base des militaires mosellans morts en 1870 et 1914-1918 http://www.archives57.com/index.php/recherches/memoire-1870-1918
-  Communications personnelles et familiales.




jeudi 1 mars 2018

#RMNA 2018 - Episode 3 : Chrétien, entre soulagement et incompréhension

Troisième article de la première saison de #RMNA – Raconte-Moi Nos Ancêtres. Le principe est simple:  prendre une année comme point de départ d'une saga ou d'une série d'articles. Pour cette saison, notre point de départ à tous est l'année 1918.

Pour les deux premiers épisodes, vous avez découvert les parcours de mon arrière-grand-père, Pierre HOURTE et celui de Paul JOHANNES, tous les deux français de cœur. Cette semaine, je vous propose d'entrer un peu plus dans la complexité de la situation de la Moselle en 1918, au travers du parcours de mon arrière-grand-père paternel, Chrétien BECKERICH. Il vivait dans la partie "germanophone" de la Moselle, et comme beaucoup, il a assez mal vécu les méthodes employées par le nouveau pouvoir pour franciser à tout prix la région...



Des retrouvailles et des questions

Rimelingen (Rimling) - décembre 1918

Après 4 ans de combats, la guerre est belle est bien terminée. En ce mois de décembre 1918, les familles de Moselle s'apprêtent à célébrer Noël : le premier Noël français depuis plus de quarante ans. Si pour certains cet évènement est riche de symboles, pour d'autres, le temps incite plus aux questionnements et aux inquiétudes.


A Rimling, Chrétien Beckerich est en visite chez un ami. Les deux hommes sont attablés et parlent
en "Platt", leur langue natale, également appelée francique rhénan :
(La plupart des mots sont ici traduits en français) 

"- Chrétien, je suis bien heureux de te voir. Tu as eu de la chance de revenir en vie après ces quatre années de guerre !
- Ja ja. D'autres n'ont pas eu cette chance. Dreck macht speck ! On m'a dit que mon cousin Nicolas est mort dans un hôpital militaire à Sarrebrück au début de l'année. Je suis très triste car Nicolas était comme mon frère."

Après un moment de silence, Chrétien s'empare du journal qui était posé sur la table :

"- Un journal en français... il parait que l'on veut nous obliger à parler en français ?
- Ja. J'ai entendu cela. Je suis bien incapable d'aligner la moindre phrase. Les français veulent nous faire oublier l'allemand.
- Mais nous ne parlons pas allemand !
- Eux considèrent que si. Les français de l'intérieur voient d'un mauvais œil tous ceux qui parlent une langue qui ressemble de près ou de loin à l'allemand!"
Nouveau moment de silence. Chrétien semble inquiet. Certes, la guerre était terminée et l'Allemagne, que la plupart souhaitait voir perdre, était vaincue. Pourtant, rien n'est simple. Chrétien reprend la conversation :
"- Je ne sais pas trop ce qui va nous arriver avec tout ça...
- Moi non plus. J'étais heureux de la victoire de la France, j'étais présent à l'arrivée des soldats français à Bitche, il y a quelques semaines, mais tout ça... ça prend une tournure qui ne me plaît pas...
- Finalement, qui sommes-nous ? des allemands ou des français ?
- Je ne sais pas Chrétien... je ne sais pas".
La scène se termine sur ces mots et ces doutes...

Petite biographie de Chrétien BECKERICH


Chrétien BECKERICH (années 1920)
Chrétien BECKERICH (ou BECKRICH) est le père de ma grand-mère paternelle. Enfant naturel de Jeanne BECKERICH, il est né le 10 mai 1891 à Rimling. Jeanne ne le gardera pas et le confiera à son frère Jean et son épouse qui vivaient à Rimling.

Au début de la première guerre mondiale, Chrétien est enrôlé dès la mobilisation générale du 3 août 1914 au sein du 8ème Régiment de Réserve d'Artillerie à Pieds Bavarois. Pendant toute la durée de la guerre, il combat dans la même unité et enchaîne les batailles: Verdun en 1914, Champagne en 1915, à nouveau Verdun en 1916, Reims en 1917 et Champagne en 1918.

Enfin, le 11 novembre 1918, Chrétien est démobilisé. Comme de nombreux alsaciens-mosellans, il rentre au pays, sans savoir ce qu'il adviendra du statut de la Moselle et de l'Alsace.

Quelques mois plus tard, il se marie à Montbronn avec Madeleine MEYER et part s'installer à Clouange (Moselle), sans doute pour trouver un travail. Il devient serrurier. Trois enfants naîtront à Clouange dont ma grand-mère. Au début des années 1930, toute la famille revient s'installer à Rimling, jusqu'en 1939.

Cette année 1939 marque le début de la seconde guerre mondiale. Dès le 1er septembre, le maire de Rimling reçoit l’ordre d’évacuation. Pas question de traîner, car le délai est court… Les habitants disposent de deux petites heures pour emmener l’essentiel. La famille part alors pour la commune de Bassac, située en Charentes. Après plusieurs mois, les Rimlingoies retournent dans le village, qui était alors annexé par les allemands (1). C'est en 1942, pendant la guerre, que ma grand-mère se marie avec mon grand-père.

Après le débarquement de 1944, les troupes alliées avancent et gagnent le Bitcherland (Pays de Bitche) à la fin de l'année. Après plusieurs mois d’âpres combats, Rimling est enfin libérée et toute la famille redevient définitivement française.

Madeleine meurt quelques années après la fin de la guerre, en 1949. Chrétien vivra quand à lui jusqu'à l'âge de 85 ans.

Les changements brutaux demandés aux mosellans de culture et de langue germanique


Comme je le précisais dans mon premier article, les alsaciens et les mosellans vivent dans une grande incertitude après le 11 novembre 1918. Après l'euphorie de la victoire de la France, la morosité et le désenchantement s'installent. Tout comme Chrétien Beckerich, les mosellans germanophones se voient contraints de parler une langue qui ne connaissent pas. Ainsi, le département de la Moselle fait l'objet d'une francisation "radicale", au risque de bousculer la population germanophone qui n'avait jamais parlé le français (pas même avant 1870). Le français devient ainsi la langue exclusive de l'éducation, même si une circulaire de 1919 tolère l'usage de l'allemand.



La frontière linguistique en Moselle (Source : Wikipédia)


En effet, un des premiers malentendus est né dans les régions germanophones car les français croyaient que la grande majorité de l'usage de l'allemand datait de l'annexion de 1871. Or, le parler "allemand" ou plutôt le francique rhénan, remonte à plus de 15 siècles d'histoire. A Saint-Avold, on ne parlait le français que dans la bourgeoisie ! (2).

Finalement, au delà de la langue, c'est toute une culture et une identité propre que les mosellans ont du abandonner au nom des valeurs et de l'universalisme de la France.

Après la fin de la guerre, des grèves éclatent dans les mines et usines sidérurgiques. D'abord motivées par des revendications sociales, elles revêtent de plus en plus un caractère politique pour la reconnaissance de la qualité des Alsaciens-Mosellans, considérés comme des français de seconde zone (3). Il est vrai qu'à Paris, on se méfie de la population locale et on préfère installer des "français de l'intérieur" aux postes clefs. Les Mosellans ont le sentiment d'être des citoyens de seconde zone dans leur propre pays (4).

Le retour à la France de la Moselle et de l'Alsace n'a pas été sans difficulté. Pour beaucoup, elle a été synonyme de profonds changements et d'un apprentissage d'une langue et d'une culture méconnues. Ce moment a, dit-on, beaucoup marqué mon arrière-grand-père.

Sources :

(1) L'histoire de Rimling, à lire sur le site internet de la commune : http://www.rimling.fr/les-malheurs-de-la-guerre.html
(2) Becker Bernard. Novembre 1918 : Les Naboriens redeviennent français. (Société d’Histoire du Pays Naborien). En ligne : http://www.shpn.fr/page149/page149.html
(3) ASCOMEMO, 2007. Le retour de la Moselle à la France 1918-1919. Collection Mémoire en Image. Editions Sutton. 96p.
(4) Jean-François THULL, 1918 – 2008 : 90e anniversaire du retour de la Moselle à la France, Les Cahiers Lorrains, 2008, N. 3-4, pp. 76-79.