lundi 11 novembre 2019

#ChallengeAZ 2019 - Irrégulier, Introuvable et Incroyable

Que faire aujourd'hui avec Irrégulier, Introuvable et Incroyable ?
Initié par Sophie Boudarel de la Gazette des Ancêtres, le ChallengeAZ est devenu un rendez-vous annuel incontournable. Il propose aux généablogueurs de rédiger, chaque jour de novembre (sauf le dimanche), un article en suivant les lettres de l'alphabet. Pour ma quatrième participation, j'ai choisi de solliciter mes abonnés Twitter dans le cadre d'un défi estival devenu rapidement un concours de mots suivi par une cinquantaine de personnes. Merci à eux ! Au final, j'ai choisi pour chaque lettre trois mots qui devront me servir pour la rédaction des mes articles...


***

Pour le défi du jour, je vais vous demander un peu d’Indulgence car je n’ai rien d’IRREGULIER à vous proposer. Au contraire, ce sera d’un certain REGULIER dont il sera question. 

L’histoire que je vais vous raconter aujourd’hui se déroule à Craon, en Mayenne, le jeudi 22 octobre 1767. Cette scène se passe quelques heures après l’évasion, plutôt rocambolesque, de Jacques Régulier de la prison de Craon. Il est le père de Jacques Régulier qui était l'époux de Catherine Valentin, ma sosa 481.

Imaginez la scène.

Il est 15h00. Dans une salle d’audience improvisée, sont assis à une table Vincent Cosseron, Juge ordinaire civil et criminel de la ville et baronnie de Craon, assisté de Maître François Chartier, notaire et greffier pour cette occasion, en l’absence du greffier ordinaire. Ils doivent recueillir les témoignages qui viendront appuyer la plainte du procureur de la ville.

Entre alors le premier témoin : Martin Poussin. Le juge de ce jour prend alors la parole.

"- Veuillez me donner votre nom, surnom, âge, qualité et demeure et veuillez me préciser si vous connaissez les parties qu’ils soient parents, alliés, serviteurs ou domestiques. 
- Je m’appelle Martin Poussin, j’ai environ quarante ans. Je suis Maréchal et demeure en cette ville de Craon près de la porte St-Pierre, paroisse de Saint-Clément. Je connais les partis, mais je ne suis ni parent, ni allié, ni serviteur, ni domestique. "

Le juge lit la plainte en forme de remontrance faite à Jacques Régulier et lui demande ensuite de décrire, après serment, ce qu’il connait de cette affaire.

"- Il y a environ quinze jours, pendant les vêpres, j’ai vu la femme au Jacques Régulier qui était proche du petit mur attenant au jardin du Sieur Mottais. Son jardin faisait face par derrière à la prison. Elle parlait à son mari mais je n’ai pas entendu ce qu’elle disait. 
- Et concernant l’évasion, que savez-vous ? 
- Ben, je n'ai appris l’évasion que ce matin vers les septs heures par la femme Gripon, le geôlier de la prison. J’ai vu à ce moment en effet un trou pratiqué dans les latrines du cachot clair ou était ledit Régulier. Il y avait deux draps et une couverture liés qui pendaient depuis ce trou et jusqu’à terre dans la rue. C’est INCROYABLE, je n’ai jamais vu cela. 
- Et le trou, était-il suffisamment grand pour que ledit Régulier sorte du cachot ? 
- Ma foi, oui !
- Bien. C’est tout ce que vous savez ? 
- Oui."
Après avoir relu la déposition transcrite par le greffier, le juge somme Martin Poussin de déclarer si elle contient vérité, s'il veut y augmenter ou diminuer, s’il persiste et s'il sait signer.
"- Oui c’est bien la vérité. Mais je ne sais pas signer." 
Après le passage de Martin Poussin, entre alors le deuxième témoin : Jacquinne Hamard. Tout comme Martin Poussin, le juge lui demande de décliner son identité :
"- Je m’appelle Jacquinne Hamard, femme de René Mottais, tourneur en cette ville de Craon, paroisse Saint-Clément. J’ai 32 ans. Je connais les parties, mais je ne suis ni parent, ni allié, ni servante ou domestique."
Le juge lit également la plainte faite à Jacques Régulier et lui demande ensuite d’expliquer ce qu’elle connait de l’affaire.
" - Cejourd’hui, mon mari s’étant levé à la pointe du jour, est rentré et m’a dit que Jacques Régulier s’était évadé. Je me suis aussitôt levée et j’ai vu le trou pratiqué dans les latrines du cachot clair. Il était assez grand pour qu’il puisse s’évader. J’ai vu également les draps et couvertures attachés ensemble et qui pendaient jusqu’à terre dans la rue. 
- Êtes-vous certaines qu’il s’est évadé par ce trou ? 
- Non. Je sais simplement qu’il est INTROUVABLE. 
- Bien. Et que savez-vous d’autre ? 
- J’ai ouï dire de la femme du jardin du château que Régulier s’était échappé vers les deux heures du matin et qu’elle a vu plusieurs fois la femme audit Régulier en plein jour s’arrêter à côté de son jardin. Elle appelait son mari pour lui parler mais elle n’a point fait attention à ces propos. Elle a juste entendu dire qu’il n’avait pas froid parce qu’il s’enveloppait dans la paille. C’est tout ce que je sais. "
Après avoir relu la déposition transcrite par le greffier, le juge demande à Jacquinne Hamard de déclarer si elle contient vérité, si elle veut y augmenter ou diminuer, si elle persiste et si elle sait signer.
" - Oui je dis bien vérité. Je ne sais signer. "
Suivent ensuite de nombreux autres témoignages qui dureront jusqu’à la fin de journée.

Cette scène a été retranscrite et imaginée à partir du procès-verbal établi le 22 octobre 1767 (Archives Départementales de la Mayenne, B3153 - Sénéchaussée et Baronnie de Craon - Grands et petits criminels - Procédures et sentences - 1766/1769).

Finalement, je n’ai retrouvé aucune trace de Jacques REGULIER après son évasion, exceptées des mentions dans des actes civils. Ainsi, il était absent en 1768, avec son épouse, Julienne POTTIER, pour établir les comptes de tutelle des enfants pour lesquels ils étaient tuteurs (AD53 - B3012 et 3097).

Dans mon premier #Projet3Mois, j’avais établi qu’il était décédé « dans les isles » ce qui me fait penser à une condamnation au bagne ou aux galères. Aurait-il été retrouvé puis condamné plus durement du fait de son évasion ?

Si cette histoire vous intéresse, je vous propose de lire ou de relire la lettre que j'avais écrite à Jacques Régulier lors du #ChallengeAZ de l'année passée : Lettre E, écrite à un évadé.

2 commentaires:

  1. Ce challenge nous permet de revoir tous les ancêtres incontournables de ta généalogie, quel plaisir !

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    1. Merci Christelle pour ta lecture fidèle ! Finalement, je me rends compte que sur certains de nos ancêtres, on pourrait écrire indéfiniment tant ceux-ci nous inspirent !

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