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Ce jour est un jour de février comme les autres, du moins, ni trop chaud, ni trop froid. J’habite sur cette terre bretonne depuis presque quinze ans maintenant et je n’arrive pas encore à m’habituer à ses hivers où le froid, le vrai, n’arrive pas à prendre ses quartiers. Qu’ils sont loin ces jours de neige et de froid où le thermomètre descend allègrement sous le zéro degré en plein après-midi ! Je regrette presque ma Moselle natale, terre de mes ancêtres… Enfin… la Bretagne a bien d’autres qualités qui me font rester ici, et c’est bien plus que le cidre et les galettes !
Je travaille en ce moment sur un dossier qui me prend beaucoup de temps et d’énergie et me demande à surpasser mon esprit créatif. Se concentrer, réfléchir, noter, barrer, se reconcentrer, imaginer… Bref, j’ai besoin de faire des pauses et de penser à autre chose, ne serait-ce que l’espace d’un instant. Pour cela, j’ai pris l’habitude de faire le vide, debout, devant la fenêtre de mon bureau. Je contemple alors le jardin et l’immense châtaignier qui se dresse au milieu de la prairie, admirant la beauté de ce que la nature peut nous offrir. Pourtant, ce matin de février, ce tableau vivant prend des couleurs et des traits qui suscitent en moi un sentiment tout particulier. Comme attiré par l’extérieur, je décide de m’octroyer une pause bien méritée pour poursuivre mes réflexions en cheminant au milieu des prés et des champs.
Écharpe au cou et bonnet sur la tête, je marche d’un pas léger et lent. La campagne est silencieuse et les oiseaux se font rares en cette saison. Sans doute attendent-ils des moments plus propices pour se lancer dans les premières notes du concerto du printemps. Pourtant, ces paysages me laissent plutôt dans la tête des airs de Moldau qui me transportent, bien au-delà de mes émotions.
Je marche depuis plusieurs minutes quand j’aperçois, au loin, un homme qui faisait de même, sur une route qui rejoignait la mienne. Les rencontres de promeneurs sont plutôt rares en cette saison me dis-je intérieurement. Nos pas se rejoignent enfin à la croisée des chemins et nous nous saluons. C’est la première fois que je vois cet homme, pourtant, j’ai l’impression de le connaître. D’une voie posée, il se propose de m’accompagner pendant un moment, ce que j’accepte volontiers.
Très vite, nous commençons à bavarder de la pluie et du beau temps et de tous ces sujets qui font généralement le commencement de toute conversation. Curieux d’en savoir plus sur mon compagnon de route, je lui demande si cela fait longtemps qu’il réside ici :
"- Et bien pour ainsi dire non. Je ne suis pas originaire de la région, me répond-il.
- Vous savez, moi non plus. Sans être indiscret, d’où venez-vous ?
- Je suis originaire de l’est de la France, d’un village situé non loin de Thionville. "
A ces mots, je me tourne vers lui, et je m’arrête. Je lui explique que je suis également originaire de la Moselle. Quelle coïncidence ! Tout aussi surpris que moi, du moins il me semble, il m’explique qu’il est né à Yutz et qu’il a vécu à Schell. Comment ? Schell ? Mon étonnement est à son comble car Schell est le village d’une partie de mes ancêtres. L’évocation de ces lieux m’amène alors à parler de généalogie et d’histoire familiale.
"- Tous ces sujets m’intéressent aussi, tout comme vous. Je suis issu d’une grande famille et mon père s’est marié par deux fois. Pourtant, avec mes demi-frères et sœurs, nous avons toujours réussi à nous entendre. Par contre, je ne sais malheureusement que très peu de choses sur mes grands-parents, excepté qu’ils vivaient plutôt modestement.
- Mes ancêtres étaient aussi des gens modestes
- Enfin, nous avons tout de même réussi à trouver notre place, et je suis optimiste malgré la morosité ambiante que nous vivons en France depuis plusieurs années !
- Oui, c’est clair.
- Vous voyez, j’ai tout de même réussi à être maire pendant quelques mandats, certes, dans une petite commune, mais il s'agit d'une grande responsabilité !
- Très certainement ! Et maintenant, que faites-vous ici ?
- Je suis de passage, en voyage, et je suis heureux de découvrir un endroit que je ne connaissais pas ! La campagne est belle par ici !"
A ces derniers mots, je me rends compte à quel point il a raison. Ces lieux sont si beaux et apaisants! En silence, nous continuons notre marche. Les champs laissent la place à une portion boisée qui s'ouvre ensuite vers un paysage de prairies et de bocage. Peu à peu, la brume se fend, laissant passer quelques rayons du soleil. Mon compagnon de route semble ému par ce spectacle, et cela me touche.
Pourtant, notre heureuse rencontre devait se terminer. Arrivé à un carrefour, nous devons prendre chacun une direction opposée et nous nous saluons chaleureusement :
"- Je vous remercie pour ce bout de chemin très agréable. En tout cas, je garderai un bon souvenir de mon court voyage en Bretagne !
- Merci à vous également. Je suis heureux d’avoir pu discuter avec un compatriote mosellan ! A bientôt peut-être !
- Sans nul doute ! A bientôt !"
Enchanté par cette conversation plutôt inattendue, je repars le cœur en joie et plein d’entrain.
Soudain, après quelques minutes, sans que je puisse prendre le temps de me retourner, je l’entends crier au loin :
« Et au fait, je ne me suis pas présenté ! Je m’appelle Jean COQUARD et je suis heureux d’avoir fait votre connaissance mon enfant ! »
Bon sang ! Jean COQUARD, mon ancêtre à la 7ème génération !
Je me retourne mais trop tard, le voilà disparu !
Finalement, ce jour est un jour de février pas comme les autres, où j’ai pu déambuler et discuter, sans le savoir, avec l’un de mes ancêtres…
Ton ancêtre devait avoir drôlement envie de te connaître pour faire tout ce chemin !
RépondreSupprimerEffectivement Christelle ! C'est d'autant plus vrai que l'inspiration de ce #RDVAncestral m'est venue très (trop?) facilement !
SupprimerTiens j'aurais pensé que ça ferait Tilt à l'évocation du titre de maire 😋
RépondreSupprimerMerci Renaud ! Ben, à vrai dire, ça aurait quand même gâché l'effet de surprise !!!! ;)
SupprimerTrès belle promenade en pleine nature. Ressourçante, apaisante, j'adore on s'y croirait.
RépondreSupprimerMerci beaucoup Béatrice pour ce gentil commentaire.
SupprimerAinsi donc, la Bretagne est si accueillante que tes ancêtres viennent te rendre visite. Jolie histoire en tous les cas.
RépondreSupprimerMerci Catherine ! Et oui, la Bretagne est très accueillante au point d'y faire de belles rencontres !
SupprimerA penser très fort à nos ancêtres, on les retrouve sans s'étonner dans d'autres lieux que leur contrée d'origine....
RépondreSupprimerMerci Fanny pour ton commentaire. Pour tout te dire, il m'arrive parfois d'avoir l'impression qu'ils sont à mes côtés pendant les recherches...
SupprimerQu'elle est belle la Bretagne! S'y promener aux brumes matinales est envoûtant; rien d'étonnant à ce qu'on puisse y rencontrer un ancêtre au détour d'un chemin.
RépondreSupprimerMerci pour le commentaire :)
SupprimerC'est vrai que la brume et l'ambiance peuvent parfois être envoûtantes !