jeudi 8 mars 2018

#RMNA 2018 - Episode 4 : Catherine... la fin de la guerre ? A quoi bon !

Quatrième et dernier article de la première saison de #RMNA – Raconte-Moi Nos Ancêtres. Le principe est simple:  prendre une année comme point de départ d'une saga ou d'une série d'articles. Pour cette saison, notre point de départ à tous est l'année 1918. 

Dans les trois premiers épisodes, j'ai souhaité montrer, au travers des parcours de Pierre, Paul et Chrétien, que la fin de la guerre a eu des conséquences diverses en Moselle, redevenue française. Pour ce dernier épisode, 8 mars 2018, je vous propose le portrait d'une femme, Catherine BAUR, mon arrière-arrière-grand-mère.

La fin de la guerre ? A quoi bon !


11 novembre 1918, village de Schell

En cette journée de novembre 1918, il règne une agitation inhabituelle dans le petit village de Schell. Dans la rue, des hommes et des femmes sont attroupés. L'un d'entre-eux tient un journal à la main : le Lothringer Zeitung. En gros titre on peut y lire :

Die Waffenstillstandsbedingungen angenommen.
Les conditions d'armistice acceptées.

Einstellung des Feindseligheiten heute Mittag ! 
Suspension des hostilités aujourd'hui à midi !

Ubdankung des Kaisers. 
Abdication de l'Empereur. 
 
L'homme qui tient le journal à la main arrive de la ville de Metz. Il est venu pour faire part des nouvelles au reste de sa famille.
- Regardez ! La guerre est terminée, mais le journal ne dit pas tout ! On parle d'une arrivée des soldats français dans les prochains jours à Metz et dans toute l'Alsace-Lorraine ! Les troupes allemande refluent vers la Sarre.
- Mais que va t'il arriver à nos enfants, soldats allemands ?
Les questions et les discussions continuent de plus belle pendant qu'une femme, habillée de noir, sort de sa maison avec ses trois filles. Le visage est mêlé de tristesse et de gravité.
- Que vous arrive t'il ?
- Catherine, regardez, l'armistice a été signé, Guillaume II a abdiqué, la guerre est terminée !
- La guerre est terminée? Et vous croyez que ça va faire revenir mes deux garçons?

Le silence se fait dans l'assistance. Catherine a perdu ses deux fils au début de la guerre. Pourtant, malgré les années, la douleur est encore là, elle qui chérissait tant ses deux garçons. D'un signe de la main elle demande à l'une de ses filles de rentrer à la maison "Lisa, rentrons et laissons-les". Ses deux autres enfants sont restées à l’extérieur. La plus jeune d'entre-elles, Céline, prend alors la parole :
- N'en voulez pas à ma mère. La mort de mes frères l'a profondément touchée et elle ne s'en remet pas.
- Nous comprenons Céline. La douleur d'une mère s'estompe difficilement avec le temps.
Le groupe échange encore quelques mots avant que tout le monde retourne à ses occupations. En cette journée du 11 novembre 1918, les habitants de Schell ne savent pas encore quel va être leur destin..


Catherine BAUR, une femme meurtrie


Catherine BAUR est mon arrière-arrière-grand-mère du côté maternel (sosa 27). Née française à Schell en décembre 1863, elle devient allemande en 1870 lors de l'Annexion. A 24 ans, elle se marie avec Louis LANG dont elle était follement amoureuse. Le couple s'installe d'abord dans le village de Metzeresche situé à quelques kilomètres de Schell. A la fin de l'année, la naissance de leur premier fils, Pierre, vient sceller cet amour.  La famille est plutôt modeste et vit grâce aux revenus de Louis qui est journalier. Au début de l'année 1891, Catherine donne naissance à une fille, Elisabeth, que les parents surnommeront affectueusement Lisa.

Carte des environs de Luttange. Schell se trouve au nord-ouest et Metzeresche au nord-est (Source : BNU de Strasbourg)


En 1892, la famille retourne à Schell pour s'y installer, et en octobre, leur troisième enfant, Charles, voit le jour. Pourtant, la fin de l'année se termine tragiquement. Louis meurt le 17 décembre, la veille de son 31ème anniversaire. Pour Catherine, la mort de son mari est un véritable drame, elle qui en était tellement amoureuse. Elle ne s'en remettra jamais.

La maison "Neisse" à Schell en 2010 (Google Stree-View)
A tout juste 29 ans, Catherine est veuve avec trois enfants en bas-âge. Le remariage est pour elle une nécessité. Moins d'un an plus tard, elle épouse le jeune Pierre NEISSE, 26 ans, originaire de Volstroff, et valet de profession.

Un an après leur union, Catherine met au monde une petite fille, qu'ils prénomment Marie; puis en mai 1897, la famille s'agrandit encore avec l'arrivée de Céline. Pourtant, l'équilibre familial qu'avait retrouvé Catherine vole à nouveau en éclat à la fin du mois de septembre 1900. Pierre meurt et la laisse, veuve, avec cinq enfants..

Cette fois si, Catherine ne trouve plus le courage de se remarier. Son fils ainé, Pierre, alors âgé de 11 ans, l'aide particulièrement dans l'exploitation des deux-trois hectares de terres et de prairies qu'ils possèdent.

La vie s'écoule ensuite dans la maison de Schell. Les enfants grandissent. En octobre 1913, Charles est appelé pour le Wehrpflicht (le service militaire). 

A la mobilisation du 3 août 1914, Pierre et Charles sont appelés pour rejoindre les troupes. Pierre entre dans le Reserve-Infanterie-Regiment Nr. 30 (30ème Régiment d'Infanterie de Réserve) et Charles continue dans le régiment où il effectue son service, le 2e régiment d'artillerie à pied Royal bavarois. Mais l'année 1915 va de nouveau amener le chagrin dans le cœur de Catherine. Au mois de mars, Pierre meurt à l'hôpital de Bonn. Quatre mois plus tard, c'est au tour de Charles de perdre la vie dans les combats du Ban de Sapt, dans les Vosges.

Quel terrible douleur pour Catherine ! La perte effroyable de ses deux fils lui rappelle la mort de Louis, son cher Louis. Malheureusement, les cris et les pleurs d'une mère n'y peuvent rien. Seul le temps réussira à atténuer un peu le chagrin, sans le cicatriser complètement.


Catherine portera ainsi toute son affection pour sa fille Lisa, seule preuve vivante de son amour perdu avec Louis. Marie et Céline se sentirons alors délaissées par leur mère...

Les enfants de Catherine BAUR

Après la fin de la guerre, ses trois filles se marient : Lisa avec Jules FLAMMAND, de Manom, Marie, avec Joseph KREMER, de Florange et enfin Céline avec mon arrière-grand-père, Pierre HOURTE de Vinsberg, dont j'ai relaté l'histoire au premier #RMNA.

Catherine part finalement s'installer avec sa fille Lisa, à Manom, où elle meurt le 12 mai 1933, à l'âge de 69 ans.

Collection personnelle et familiale

La première saison du #RMNA se termine donc ici. Vous trouverez sur le site du #RDVAncestral l'ensemble des excellents textes de tous les participants, que je vous conseille de lire et de relire ! J'espère en tout cas que vous avez apprécié mes contributions !


Sources :

- Archives Départementales de la Moselle pour l'ensemble des actes de naissance, mariage et décès de la famille de Catherine BAUR,
- Archives Départementales de la Moselle - Base des militaires mosellans morts en 1870 et 1914-1918 http://www.archives57.com/index.php/recherches/memoire-1870-1918
-  Communications personnelles et familiales.




9 commentaires:

  1. Quelle vie pour Catherine, veuve deux fois, on comprend tout à fait que l'annonce de la fin de la guerre n'a pas la même signification pour elle...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Marion pour ton commentaire. L'écriture de ce texte m'a fait prendre conscience de la dure réalité qu'elle a vécu. Perdre deux maris, puis deux fils. Je comprends mieux aujourd'hui sa douleur.

      Supprimer
  2. Ce billet comme les précédents révèle l'ambiguïté des sentiments des habitants de la région, le soulagement, les questionnements et les meurtrissures de l'âme qui perdurent bien au-delà de la date du 11 novembre.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Fanny-Nésida pour ton commentaire. Je suis heureux que mes articles ont permis de mieux comprendre la complexité de la situation de la Moselle à la fin de la Première Guerre Mondiale !

      Supprimer
  3. Quelle bonne idée de mettre en avant Catherine, une de ces "héroïnes" malgré elles de la première guerre mondiale en cette journée de la femme ! Mais quel destin a connu ta pauvre AAGM, les deuils et les chagrins qui vont avec ne l'auront pas épargnée !
    Marie (Aldaxkatik Aldaxkara)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Marie. J'avais une toute idée pour le dernier #RMNA, mais j'ai retrouvé un brouillon d'un #RDVAncestral sur Catherine. En cette journée des droits des femmes, je trouvais ce billet sur mon AAGM était une belle façon de lui rendre hommage.

      Supprimer
  4. La fin de la guerre n’efface pas les larmes que les femmes versent sur leurs morts, tu le racontes fort bien. Comme cette femme a été éprouvée ! En tout cas c’est une belle histoire d’amour, et c’est précieux de savoir qu’elle a autant aimé dans sa vie.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Marie pour ton joli commentaire. Ce #RMNA a en tout cas permis de redonner vie à Catherine et de faire revivre cet amour qu'elle avait pour son premier mari et ses enfants.

      Supprimer
  5. Cette histoire est vraiment difficile. Je comprends ce que tu dis ils ne doivent pas être oubliés non plus. Ils sont tout autant victimes

    RépondreSupprimer