mercredi 31 janvier 2018

#Projet3Mois – Episode 1 : Naissance de Catherine VALENTIN

Voici les premiers résultats de mes recherches sur les origines de Catherine VALENTIN. Dans cet article, je n'ai aucune certitude sur les conditions de sa naissance,  mais un faisceau d'indices qui me permettent d'arriver à ma conclusion (provisoire). Je vous laisse découvrir les étapes de mon enquête généalogique, à travers les sources historiques et bibliographiques...

Pour débuter: un grand blanc dans la vie des parents de Catherine VALENTIN


Catherine VALENTIN est la fille de Bernard VALENTIN et de Barbe GARAND.

Bernard VALENTIN est natif de Hagondange (Moselle) où il vécut pendant son enfance. A l’âge de vingt ans, il se marie avec Barbe GARAND, alors âgée de 23 ans. C'était le 12 février 1754. Elle était originaire de Courcelles-Chaussy (les deux villages sont distants de plus de 22 kilomètres à vol d’oiseau). Le couple s’installe d’abord à Hagondange où Bernard est manœuvre. Après la naissance de leurs deux premiers enfants, dont un décède le lendemain de son baptême, je perds toute trace de la famille, soit à partir de fin janvier 1756. Il faut attendre janvier 1765 pour retrouver Bernard et son épouse... à Courcelles-Chaussy. Cela fait donc 9 ans sans donnée précise. 

Étape 1: Retrouver la date et le lieu de naissance de Catherine


La seule mention de la naissance de Catherine VALENTIN se trouve dans l'acte de son second mariage avec Nicolas GASNER, le deux vendémiaire de l’an 10 (24/09/1801) :

[…]
Et de Catherine Valentin, âgée de quarante-et-un ans, née le premier décembre de l’année mil sept cent soixante à Escasel Département de …………… demeurant à Pontigny Département de la Moselle, fille de Bernard Valentin demeurant à [ ?] Département de la Moselle, divorcée de Jacques Régulier déclaré Emigré, et défunte Barbe Garand, en leur vivant résidant à Lue.


Escasel... ? Je ne connais aucun commune qui s'appelle Escasel. Après réflexion et recoupement, j’ai émis l’hypothèse qu’il s’agit d’une transcription phonétique de « Hesse-Kassel », c’est-à-dire à Kassel, dans la Hesse (Allemagne).


Étape 2 : Retracer le contexte historique de l'époque : la guerre de Sept Ans

1756 correspond au début de la guerre de Sept Ans. C'est le principal conflit du 18ème siècle et il s’agit de la première guerre véritablement mondiale : on se bat sur plusieurs fronts, en Europe, en Amérique et en Inde. La guerre dura de 1756 à 1763.... Étrange coïncidence, ces dates correspondent à la période d’absence de Bernard VALENTIN...

C’est un renversement des alliances qui voit s’opposer principalement la France, alliée à l’Autriche, contre la Prusse, alliée à l’Angleterre. Le Prussien Frédéric II est en infériorité numérique, mais son armée, très bien équipée, est la mieux entraînée. De cette longue lutte, la Prusse sort grandie et la France abaissée. Frédéric II doit la victoire à son génie militaire et à sa ténacité autant qu’à la médiocrité de ses adversaires, qui n’ont pas su combiner leurs efforts et saisir les occasions décisives. La fin de la guerre, en 1763, consacre l’échec des prétentions françaises et couronne la volonté britannique : la France est évincée du continent nord-américain et perd l’essentiel de ses possessions aux Indes. Cette guerre s’avère désastreuse pour Louis XV, qui a sacrifié 200 000 hommes en Allemagne pendant qu’il perdait ses colonies faute de troupes pour les défendre. (Source : GALLICA)

 
La guerre de Sept Ans - Vue perspective du siège de la Ville de Dresde
André Basset, éditeur, 1765. BnF, département des Estampes et de la Photographie, LI-72 (6)-FOL © Bibliothèque nationale de France


=> J’ai donc émis l’hypothèse que Bernard VALENTIN a été soldat, ou alors travaillait pour les troupes, pendant la guerre de Sept Ans.

Étape 3: Vérifier s'il est possible qu'un soldat de balade en guerre avec femmes et enfants...


Soit, Bernard Valentin était soldat. Mais est-il possible que sa femme l'ait suivi pendant la guerre ?

D’après André Corvisier, il existait pendant l’ancien régime des cas de soldats qui étaient suivis par leurs femmes et leurs enfants, ces derniers appartenant alors à l’armée. C’était particulièrement le cas dans les armées d’Europe centrale, en Angleterre et en France, essentiellement dans les régiments étrangers. Dans ces conditions, les femmes servent de blanchisseuses, raccommodeuses ou de vivandières (cantinière). Il signale enfin que « Le régiment constitue ainsi une paroisse sans territoire, avec son aumônerie et ses registres d’aumôneries militaires qui ressemblent beaucoup aux registres paroissiaux puisqu’on y rencontre non seulement mention de décès mais également de mariages et de baptêmes » (CORVISIER, 1973).
=> Ces éléments me confortent dans mon hypothèse que si Bernard VALENTIN était soldat pendant la guerre de Sept Ans, il pouvait être accompagné de sa femme, Barbe GARAND.

Étape 4: Les troupes françaises étaient-elles à Cassel le 1er décembre 1760 ?


Pour consolider mon hypothèse de départ, je dois vérifier si des troupes françaises étaient bien présentes à Cassel ou à proximité, le 1er décembre 1760, au moment de la naissance de Catherine VALENTIN.

J’ai effectué plusieurs recherches sur Gallica mais sans succès. En interrogeant le moteur de recherche « Livres » de Google, je suis tombé sur une publication intitulée « Journal de la Campagne de 1760 entre l’Armée du Roi aux ordres de Monseigneur le Maréchal Duc de Broglie et celle des Alliés commandée par S.A.S. Mr. Le Prince Ferdinand de Brunswich ».

Dans cette ouvrage on apprend qu’une partie de l’Armée française a établi un camp dans les environs de Cassel, du 13 septembre 1760 jusqu’aux quartiers d’hiver. Une carte du camp précise d’ailleurs le positionnement de chaque régiment en présence.




Extrait de la carte du Camp de Cassel (M.L.R.D.B. Journal de la Campagne de 1760).


=> Cette source me confirme bien la présence d’un camp de différents régiments français au moment de la naissance de Catherine VALENTIN. Reste à savoir, dans le cas où Bernard VALENTIN était soldat, dans quel régiment il officiait.

Étape 5: Et si Bernard VALENTIN avait été enrôlé chez lui ?



Revenons en arrière. En janvier 1756, Bernard VALENTIN était manœuvre et habitait à Hagondange. En recherchant sur Gallica, on retrouve une information assez capitale en ce qui concerne mes recherches. De août à septembre 1755, se trouvait un camp militaire à Richemont. Le village de Richemont n’était situé qu’à 3 kilomètres au nord en direction de Thionville. De là à imaginer que Bernard a été enrôlé à Richemont, il n’y a qu’un pas…


Le camp de Richemont en 1755. Le village d’Hagondange est celui situé le plus à droite de la carte (au sud).
Source : Gallica/ Bibliothèque nationale de France, MS-6452 (441A)


Le village de Richemont a accueilli un camp pour la première fois en 1727, puis en 1732. Ce fut une proposition du comte de Belle-Isle qui souhaitait créer un poste d’observation entre Metz et Thionville (LASCONJARIAS, 2005). En 1755, un camp fut formé entre le village de Richemont et Uckange. Il était commandé par le Sieur de Chevett, lieutenant-général des armées du Roi et était composé de 15 bataillons et de 25 escadrons. Il dura près d’un mois en automne 1755 (EXPILLY, 1770). D’après la Gazette de Brunswic du 20 septembre 1755, le camp de Richemont était composé notamment des Régiments de Champagne, Orléans, Royal-Pologne, Rouërgue, et Lockman & Planta (La Gazette de Brunswic, 1755).

D’après les informations recueillies, le camp de Richemont a été levé en septembre 1755. Si enrôlement il y a eu lieu, il l’a été durant cette période. Un indice semblerait montrer que Bernard VALENTIN était peut-être absent en janvier 1756. En effet, à la naissance et au décès de son fils, Jean, il n’était pas présent (AD57, 2 MI 361/1).


Étape 6: Croisons les informations...


En comparant la liste des régiments présents à Richemont en 1755 et à Cassel en décembre 1760, je remarque que deux d’entre eux figurent à ces deux endroits :
  •  Le régiment de Rouërgue
  •  Le régiment d’Orléans.

L’Histoire de l'ancienne infanterie française de Louis Susane confirme la présence de ces deux régiments dans ces positions. Ainsi, le régiment d’Orléans était présent à Richemont en 1755 et a participé à la guerre de Sept Ans jusqu’en 1763, date à laquelle il fut mis en garnison à Sedan.

=> Toutes ces hypothèses me permettre de restreindre ma recherche pour retrouver la trace éventuelle de Bernard VALENTIN et valider sa présence (ou non) dans les troupes pendant la guerre de Sept Ans. Malheureusement, si je n’en trouve aucune trace, cela ne signifiera pas forcément qu’il n’y était pas…

Les prochaines étapes :


Je dois maintenant vérifier si Bernard VALENTIN était véritablement présent à Cassel, avec sa femme, en décembre 1760.

Etait-il soldat ? Dans ce cas, et sur la base de mes hypothèses, deux régiments sont à privilégier dans mes recherches. J’ai établi si dessous la liste des documents sur lesquels je pourrai éventuellement le retrouver. La tâche n’est pas facile, car il faut feuilleter l’ensemble des registres.

Régiment
Année
Cote
Description
Orléans
1755
1 Yc 650
1er registre mêlé au deuxième "ORLEANS". 1er bataillon. Versailles, 10 octobre 1755.
Orléans
1755
1 Yc 650
3ème registre mêlé au 4è registre "ORLEANS". 2è Bataillon (1755)
Orléans
1756
1 Yc 647
3ème registre. "ORLEANS". 1er bataillon. Brest, 8 septembre 1756
Orléans
1756
1 Yc 647
4ème registre. "ORLEANS". 2e Bataillon. Brest, 8 septembre 1756.
Rouërgue
1758
1 Yc 794
1er registre. "ROUERGUE", 1er bataillon. Niort, 1er janvier 1758.
Rouërgue
1758
1 Yc 794
2eme registre. "ROUERGUE", 2eme bataillon. Niort, 1er janvier 1758.

Il me faut maintenant aller au SHD à Vincennes, mais le temps me manque pour aller sur place…

Mes hypothèses vous semblent-elles plausibles ?
Savez-vous s’il existe une entraide particulière pour les recherches au SHD ?

N'hésitez pas à me laisser vos commentaires.

Mise à jour du 28 mars 2018 : Bernard était bien soldat !


Suite à une recherche réalisée par Nathalie sur Familysearch, j'ai appris que Bernard VALENTIN et Barbe GARAND avait eu également une fille, le 10 février 1763 à Cologne, prénommée Maria Anna. Cette information venait confirmer sa présence en Allemagne à cette période. Il me restait plus qu'à récupérer l'acte de baptême correspondant.

Après échanges avec différents services d'archives en Allemagne, généalogistes (encore merci Nathalie!), une attente de plusieurs semaine et une erreur d'envoi, j'ai reçu hier le document tant attendu. L'acte est écris en latin et trois mots viennent confirmer mon hypothèse. Je remercie d'ailleurs Brigitte pour son aide dans la transcription !

Acte de Baptême de Maria Anna VALATIN (kath. Pfarre St. Johann Baptist in
Köln, Signatur LK 113, Taufdatum 10.02.1763)

Bernard y est mentionné comme "Miles Regis Xtianissimi", ce que l'on peut traduire par "Soldat du Roi Très Chrétien". Le roi "très chrétien" n'est rien d'autre que le Roi de France, Louis XV. Et voilà. CQFD. Il ne me reste plus qu'à identifier le régiment dans lequel il était.

Pour l'anecdote, ce 10 février 1763 est la date du Traité de Paris, signé par Louis XV, roi de France, George III, roi d’Angleterre, Charles III, roi d’Espagne et Joseph 1er, roi du Portugal qui met fin à la guerre de Sept Ans (Source)


------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Sources :

CORVISIER André. La société militaire et l'enfant. In: Annales de démographie historique, 1973. Enfant et Sociétés. pp. 327-343.

LASCONJARIAS Guillaume. Garder la frontière, le comte de Belle-Isle dans les Trois-Evêchés, de la crise de 1727 à l’ouverture de la guerre de Succession de Pologne. In : Hypothèses 2004 : travaux de l'École doctorale d'histoire de l'Université́ Paris I Panthéon-Sorbonne. Publications de la Sorbonne, 2005. pp. 107-118.

EXPILLY (Abbé). Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France. Tome sixième. 1770. 

La Gazette de Brunswic, journal du 20 septembre 1755. En ligne. https://books.google.fr/books?id=5gNNAAAAcAAJ&dq=%22camp%20de%20richemont%22&hl=fr&pg=PA1#v=onepage&q&f=false

 M.L.R.D.B. Journal de la Campagne de 1760 entre l’Armée du Roi aux ordres de Monseigneur le Maréchal Duc de Broglie et celle des Alliés commandée par S.A.S. Mr. Le Prince Ferdinand de Brunswich. 

Archives départementales de la Moselle
  • Acte de Sépulture de Jean VALENTIN, 27/01/1756, paroisse de Hagondange (Arch. Dép. De la Moselle – 2 MI 361/1 (BMS 1693-1792 ; NMD 1793)).
  • Acte de Mariage de Nicolas GASNER et Catherine VALENTIN, 2 Vend. An X, commune de Pontigny (Arch. Dép. De la Moselle –5 MI 153/4 (NMD 1793-1810)).
 Landerarchiv Nordrhein-Westfalen:

  • Kath. Pfarre St. Johann Baptist in Köln, Signatur LK 113, Taufdatum 10.02.1763.

4 commentaires:

  1. Bravo, quel travail, et je pense que tu es sur une bonne piste.
    Pour l'entraide, il y a effectivement une possibilité en passant par le fil d'ariane. Je t'aurais bien proposé de t'aider, mais je ne peux pas me libérer pour le moment. En tout cas, c'est vraiment une belle recherche, et tu l'exposes avec une grande clarté

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Brigitte pour ton commentaire et l'attention que tu portes à mes recherches et à la vie de Catherine VALENTIN ! Tout ceci prend du temps (mais vraiment beaucoup de temps), mais cela en vaut la peine. Même si je n'ai pas de certitude, au moins, j'aurais découvert toute une partie de notre histoire.

      Supprimer
  2. Bravo pour ces recherches et la façon dont tu exposes le cheminement. Cela me donne des idées pour conduire mes propres enquêtes. Passionnant. J'ai hâte de lire la suite.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Catherine et merci pour ton commentaire ! je suis heureux que mes recherches puissent donner des idées à d'autre. La suite devrait arriver bientôt ! Il me manque quelques éléments pour l'épisode 2 "Qui sont les pères des premiers enfants de Catherine" et l'épisode 3 "Mais qui est vraiment Jacques Régulier, son premier mari?".
      A bientôt !

      Supprimer