jeudi 30 novembre 2017

Pierre Hourte, français de cœur, mais combattant allemand au Chemin des Dames



En ce dernier jour de novembre, je termine ma série d'articles sur le #geneathème du mois, proposé par Sophie de la Gazette des Ancêtres. Je vous propose aujourd'hui de découvrir le parcours de mon arrière-grand-père, Pierre Hourte. Français de cœur malgré plus de 40 ans d'annexion, il dut se résoudre à partir au front pour combattre en uniforme allemand sur le Chemin des Dames.

Début de la guerre et enrôlement


Pierre est né le 29 juin 1897 à Vinsberg, écart de la commune de Volstroff, en Moselle. A cette époque, le territoire était annexé par l’Empire allemand depuis 1870.

Au début de la guerre, Pierre était âgé de seulement 17 ans. Il suivait ses études au petit séminaire et était peut-être destiné à entrer au grand séminaire pour devenir prêtre. La guerre allait changer son destin.

Quoi qu’il en soit, en août 1914, il était dit que la guerre ne devait pas durer. Pourtant après 1915, le conflit s’enlisait et les victimes et décès se multipliaient des deux côtés du front. Pour compenser ces pertes, l’Empire allemand anticipa les appels des classes. C’est ainsi que la classe 1917 fut appelée dès 1916. 

En septembre 1917, Pierre était devant le fait accompli : il devait quitter sa famille pour partir sur le front. On imagine l’anxiété de ses parents, surtout que l’année d’avant, la veuve Catherine BAUR avait perdu ses deux fils : Pierre et Charles LANG.

Pierre fut appelé en septembre 1916 et fut engagé en tant que Landsturmpflichtiger (soldat en service territorial) au sein du bataillon de réserve du dépôt de recrutement du 202ème Régiment d’Infanterie de Réserve (R.I.R. 202). Il partait alors pour Berlin.

Instruction en entraînement à Berlin


Pendant la guerre, les recrues incorporaient des bataillons de réserve au sein des dépôts de recrutement pour être formés pendant une période courte, qui allait de 1 à 3 mois. Après cette période, ils étaient envoyés dans des dépôts de recrutement sur le champ de bataille (Feld-Rekruten-Depots).
Au sein du 202ème RIR, Pierre suivit une formation de près d’un mois. Il apprit notamment à utiliser son arme : le fusil Gewher 98 (également appelé Mauser 1898). Il reçut également une paire de botte et 7,10 Marks pour entretenir son matériel.

Le 27 octobre 1916, Pierre passa au sein de la 1ère Compagnie du Bataillon de réserve 204ème Régiment d’Infanterie de Réserve avant de passer, 12 jours plus tard au sein du Dépôt de Recrutement au Champ de bataille de la 2ème Division d’Infanterie de la Garde (Feld-Rekruten-Depot).

Une escouade allemande dans laquelle figure Pierre (Photo pers.)


Combats de position à Roye-Noyon


La mutation dans un Feld-Rekruten-Depot signifiait que Pierre allait être envoyé en entrainement dans les environs du champ de bataille.  Ces Feld-Rekruten-Depots étaient composés de 4 à 6 compagnies de 200 hommes chacune. Ils permettaient une formation finale des recrues aux conditions réelles et en lien avec les besoins opérationnels. Etant à l’arrière du champ de bataille, ils suivaient alors une formation adaptée aux besoins opérationnels de théâtre de guerre dans un contexte des plus réalistes. 

Après le 8 novembre, Pierre partit en train vers le champ de bataille. Il arriva dans le secteur de Roye-Noyon le 11 novembre 1916 pour y rester trois mois. Il participa notamment aux combats de position jusqu’au 11 février 1917.

Retour à Berlin au sein du R.I.R. 93.


Le 12 février 1917, selon l’ordre du commandement général du Corps d’Armée de la Garde, Pierre fut muté au Bataillon de réserve du 93ème Régiment d’Infanterie de Réserve  (R.I.R. Nr 93), à Berlin. Il y resta pendant près de 6 mois.

De cette période, j’ai pu récupérer une carte postale/photo de mon arrière-grand-père avec 5 de ses camarades de régiment, dont son meilleur ami, qui venait de Kœnigsmacker (village mosellan situé à quelques kilomètres du lieu d’où il était originaire). Au verso, on ressent sa volonté de rassurer ses parents : «  Je suis encore en bonne santé », « je n’ai pas reçu vos gants, mais je n’en ai pas vraiment besoin ». 

Le 3ème régiment des Garde-Grenadiers Elisabeth


Début août 1917, Pierre fut muté dans le 3ème régiment de grenadiers de la Garde "Reine Elisabeth" (Königin Elisabeth Garde-Grenadier-Regiment Nr. 3). Il partit alors sur le front, et plus particulièrement sur le secteur du Chemin des Dames, au sud de la commune de Pagny. Il y resta tout le mois d’août et au mois de septembre 1917.

Combats au Chemin des Dames, blessure et convalescence


A partir du 26 septembre, les troupes allemandes bombardèrent violemment les lignes françaises, et particulièrement le ravin d’Ostel situé au sud de Pargny. L’infanterie harcelait les travailleurs et guetteurs des lignes françaises avec des grenades à fusil, pendant que les canons (Minen de 240) démolissaient leurs travaux.


Convalescence à Hammeln (Photo. pers.)

C’est pendant ces combats que Pierre fut blessé le 30 septembre 1917. Il reçut une balle de fusil au niveau du pouce droit. Le pouce était ouvert et laissait entrevoir l’os. Très rapidement, on lui prodigua les premiers soins sur place avant d’être transporté à l’hôpital de campagne de Glageon (59) où il arriva le 2 octobre. Après 12 jours, son état permettait un rapatriement en Allemagne. Après un transport de plusieurs jours, il fut admis à l’hôpital militaire de réserve d’Hammeln (DE) où il restera en convalescence jusqu’au 3 janvier 1918. Mon arrière-grand père racontait toujours à sa fille (ma grand-tante) que pendant sa rééducation, il apprit à coudre, broder, tricoter… faisant de lui un parfait « homme de maison » !


Après sa convalescence, Pierre retourna au sein des compagnies de convalescence et ensuite de réserve du 3ème Régiment de la Garde, sans retourner sur le front.




En novembre 1918, la guerre était finie. Pierre revint alors chez ses parents. Plus de deux ans après avoir quitté le petit séminaire, il décida de rester aider ses parents à la ferme et de fonder une famille car, disait-il, « il est toujours plus agréable de se réveiller le matin avec deux paires de chaussons au pied du lit que de rester seul… ».


SOURCES :

  • MilitärPass de Peter HOURTE du 21/09/1916 à octobre 1918 (Document familial personnel) 
  • Témoignages et documents familiaux (carte postale envoyée par Pierre à ses parents en avril 1917, photographies)
  • Historique du 93ème Régiment d'Infanterie 1914-1918 (http://horizon14-18.eu/wa_files/historique_93ri.pdf)
  • David Stone, 2015. The Kaiser’s Army : The German Army in World War One (extraits en ligne).

4 commentaires:

  1. 19 ans rêver d'un monde pacifique ... et partir à la guerre, c'est tellement jeune pour voir cette tragédie.

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    1. Oui, c'est clair ; et malheureusement, le destin a conduit son fils, mon grand-père, sur le front russe en 1943. Un soldat Malgré-Nous.
      Je ne peux m'empêcher d'essayer d'imaginer les émotions qu'ils ont du avoir tous les deux à quelques 25 années d'intervelle...
      Bonne journée !

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  2. Article très interessant, ca valait le coup de transcrire ce Militärpass

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    1. Merci Brigitte.
      En fait, cet article répond aux deux généathèmes de novembre ! J'avais déjà traduit le MilitärPass, mais de façon succincte. Il y a beaucoup de termes que je n'avais pas réussi à transcrire et traduire. En m'y replongeant, j'ai pu en savoir plus sur lui et son parcours. Maintenant, j'ai une liste de nouvelles recherches à faire (notamment retrouver l'historique du 3e GGR Königin Elisabeth). J'aimerais écrire une biographie plus complète sur lui.
      Bonne journée !

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