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jeudi 1 août 2019

#Projet3Mois - Louis-Joseph WALENTIN, un soldat de la Grande Armée en Espagne (Saison 2 - Episode 4)

Je reprends ici mon dernier #Projet3Mois que j’avais laissé en suspens, faute de temps. Nous avions laissé Louis-Joseph WALENTIN au moment de sa conscription en juin 1807. Grâce aux nombreuses sources généalogiques et historiques, j’ai pu retracer son parcours dans la Grande Armée de 1807 à 1811. Je vous propose dans ce nouvel article de découvrir mon cheminement de recherche et les sources qui m’ont permis de retracer son parcours.

Mon point de départ : le répertoire alphabétique des soldats pensionnés en sous-série 2Yf


Mes premières recherches sur Louis-Joseph WALENTIN datent de fin 2012 (déjà 7 ans !). A cette époque, le Service Historique de la Défense (SHD) avait mis en ligne le répertoire alphabétique des dossiers de soldats pensionnés classés en sous-série 2Yf. Malheureusement, ce répertoire n’est plus accessible sur internet et il faut se déplacer dans la salle de lecture Louis XIV du château de Vincennes du SHD pour pouvoir le consulter.

Dans ce document, la liste des soldats renvoie à un numéro qui constitue la cote du dossier en question. Ainsi, pour Louis Joseph WALENTIN (extrait ci-dessous), la cote du dossier classé en archive est 2Yf28343. Vous voyez par ailleurs que Louis-Joseph a reçu une pension de soldat mais également pour blessures.

Extrait du répertoire alphabétique des dossiers de soldats pensionnés classés en sous-série 2Yf (SHD)


Sur cette base, j’ai réalisé une demande de reproduction du dossier en question fin décembre, qui m’a été envoyé… plus de 5 mois plus tard ! Cette attente ne fut pas vaine. Le dossier m’a apporté de nombreuses informations qui m’ont permis d’aller plus loin dans mes recherches.

Ce que j’ai appris dans le dossier de soldat pensionné


Le dossier de pension apporte des informations assez précises sur le parcours de Louis-Joseph :

  • Il est d'abord entré au 3ème Régiment d'Infanterie Légère le 23 juin 1807. 
  • Le 1er juillet 1808, il entre dans la composition du 119ème Régiment d'Infanterie et part ensuite en Espagne, où il participe aux campagnes de 1808, 1809, 1810 et 1811. 
  • Le 3 juin 1811, il est blessé à Astorga. Il a été atteint d'un coup de feu à l'avant-bras droit, fracturant le radius. La balle n'a pas été extraite.

Extrait du dossier de demande de pension de retraite de soldat de Louis-Joseph WALENTIN (SHD, 2Yf28343)

Retour aux archives départementales pour consulter la liste des conscrits de 1807


Mes recherches m’ont amené ensuite à retourner aux Archives départementales de la Moselle pour consulter la liste des conscrits de 1807. Les fonds des bureaux de recrutement de la Moselle sont classés en sous-série 2R et le document que je recherche est le 2R2 (Contrôle de départ des 2e-18e régiments d’Infanterie de ligne – 1806-1813). 

Je commence à éplucher les liasses de documents mais je ne trouve rien pour le 3ème Régiment de Ligne... :/

Ma persévérance va m’amener à regarder les autres listes de contrôle de départ quand je retrouve enfin Louis-Joseph, au sein du 13ème Régiment d’Infanterie de Ligne. Le dossier de retraite présente donc bien une erreur!

Je n'entrerai pas plus dans le détail de la conscription, puisque j'en ai déjà parlé lors de l'épisode 2 de ce #Projet3Mois.

Les registres matricules de la garde impériale et de l’infanterie de ligne


A la fin de l’année 2013, une bonne surprise va me permettre de continuer mes recherches sur Louis-Joseph : les registres matricules des sous-officiers et hommes de troupe des unités de la Garde consulaire, de la Garde impériale, de la Garde royale et de l'Infanterie de ligne pour la période de 1802 à 1815 ont été mis en ligne sur le site Mémoire des Hommes. Je plonge alors, tête baissée, dans la recherche de mon aïeul dans le registre du 119e régiment d'infanterie de ligne, formation au 1er juillet 1808 (SHD/GR 21 YC 844).

Après plusieurs longues heures de recherche, et au bout de la 279ème vue, je le retrouve enfin sous le matricule 1663.

Les signes descriptifs de Louis-Joseph ne changent pas par rapport au contrôle de départ des troupes. Il arrive au corps le 1er juillet 1808 dans le 4ème bataillon, 1ère compagnie en tant que fusilier. Il est dit qu’il a servi au 13ème Régiment d’Infanterie Légère depuis le 23 juin 1807. Le descriptif signal qu’il est congédié avec retraite le 27 décembre 1811.
Service Historique de la Défense – SHD/GR 21 YC 844- Registres matricules de l’Infanterie de ligne – Vue 279


Bien évidemment, mes recherches se seraient déroulées très différemment aujourd’hui puisque j’aurais pu aisément retrouver Louis-Joseph dans l'indexation des registres matricules réalisé dans le cadre du Projet Matricules 1802-1818 et mis en ligne sur Geneanet. Mais je me pose une question : aurais-je eu le réflexe d’aller voir également son dossier de pensionné ?

Résultat de la recherche de "Louis VALENTIN" dans l'indexation des registres des soldats napoléoniens sur Geneanet

Comment retracer le parcours de Louis-Joseph ?

Escena de guerra, Goya entre 1808 et 1812 (Domaine public)

La guerre d'Espagne, également appelée "Guerre d'indépendance" du côté espagnol, a débutée en 1808 après un insurrection des habitants de Madrid contre les français qui occupaient la ville, et qui ne tarda pas à s'étendre à tout le pays.  

L’armée de  Napoléon fut confrontée à une guérilla espagnole, soutenue par la Grande Bretagne. Cinq ans après, l'Armée se vit dans l'obligation de refluer au-delà des Pyrénées. L'Espagne envahit alors la France et elle obtint finalement la victoire avec les forces alliées.

Mais revenons au  119e  régiment d'infanterie de ligne. L’historique des régiments de l’époque napoléonienne est plus difficile à retracer car nous ne bénéficions pas de Journaux de Marche comme pour la Première Guerre Mondiale. Le généalogiste et l’historien doivent alors utiliser d’autres sources.

Une source extrêmement utile : le SEHRI

On sait, d'après la première page du registre matricule, que le 119ème régiment a été formé à partir du 13ème régiment provisoire, lui-même constitué de 6 bataillons de différents régiments d’infanterie de Ligne, sont le 13ème (tout ceci semble logique).

Les travaux réalisés par la Société d'Etudes Historiques Révolutionnaires et Impériales (SEHRI) nous renseignent plus précisément. Ainsi, le 119ème a été créé par décret du 7 juillet 1808, à partir des 13 et 14èmes régiments provisoires des armées d'Espagne, formés le 8 novembre 1808 à Prádanos de Bureba (Espagne) (Croyet J, 2011).

Le 13ème Régiment d’Infanterie Provisoire était donc composé de la manière suivante:
  • 1er bataillon de 4 compagnies du 55ème de Ligne 
  • 2ème bataillon de 4 compagnies du 17ème de Ligne 
  • 3ème bataillon de 4 compagnies du 43ème de Ligne 
  • 4ème bataillon de 4 compagnies du 48ème de Ligne. 
Les compagnies du 43e de ligne (et du 55ème ?) restèrent isolées en bataillon provisoire jusqu’à ce qu’elles puissent être réunis à leur corps qui sert en Espagne.

Le 14ème Régiment d’Infanterie Provisoire était quant à lui formé de la manière suivante :
  • 1er bataillon de 4 compagnies du 108ème de Ligne, 
  • 2ème bataillon de 4 compagnies du 72ème de Ligne, 
  • 3ème bataillon de 4 compagnies du 65ème de Ligne, 
  • 4ème bataillon de 4 compagnies du 13ème Régiment d’Infanterie Légère.
On retrouve effectivement Louis-Joseph dans la 1ère compagnie du 4ème bataillon. CQFD !

Les correspondances de Napoléon


Les correspondances de Napoléon à ses principaux ministres, généraux ou aux membres de sa famille nous apportent également des informations intéressantes sur le contexte de cette période.

Ainsi, dans une lettre du 11 novembre 1808 adressée au général Dejean, ministre directeur de l'administration de la guerre, à Paris, l'Empereur s'inquiète du manque de moyen du 119e, au point ou il demande à accorder rapidement des fonds pour confectionner notamment des souliers, des draps ou des habits !

Burgos, 11 novembre 1808
Au général Dejean, ministre directeur de l'administration de la guerre, à Paris
Monsieur le général Dejean, j'ai passé aujourd'hui la revue du 118e et du 119e régiment d'infanterie. Ces régiments, qui ont leurs dépôts près de Bayonne, n'ont aucune comptabilité. Accordez-leur les fonds nécessaires pour confectionner des souliers, et des draps pour faire des habits et des capotes, qu'on enverra à Bayonne. Ordonnez aux majors de former en France la musique et tout ce qui est nécessaire à ces régiments, et de le leur envoyer. Tous les sept nouveaux corps sont dans ce cas.

Les tableaux de blessés et tués de l'armée napoléonienne par Martinien

On retrouve sur wikipédia quelques informations sur les principales batailles engagées par le 119e régiment d'infanterie de ligne entre 1808 et 1811 : 
  • 1808 : Medina-del-Rio-Seco, Burgos, Saragosse 
  • 1809 : Santander • 1810 : Pont de Colloto, Pont de Santos, Cangas-d'Onisastaris, Pena-Cava, Avila
  • 1811 : Quintanilla-de-Valle 

Je n'avais pas plus de précisions avant que je ne trouve, en faisant des recherches sur Gallica, un ouvrage particulièrement riche en renseignements, intitulé « Tableaux par corps et batailles des officiers blessés et tués pendant les guerres de l’Empire (1805-1815) » réalisé par A. Martinien.

En citant les officiers blessés ou tués par date, il est ainsi possible, indirectement, de suivre le parcours des différents régiments. Autant dire que ce cher Aristide Martinien nous facilite grandement la tâche !

Extraits de l'ouvrage "Tableaux par corps et batailles des officiers blessés et tués pendant les guerres de l’Empire (1805-1815) » réalisé par A. Martinien (Source : Gallica, Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LH3-33).
C'est ainsi que j'ai pu retracer le parcours du 119ème que vous trouverez ci-dessous sous forme de tableau.

Reconstitution du parcours du 119ème régiment de ligne de 1808 à 1811 d'après A. Martinien.

La carte ci-dessous permet de préciser les principaux lieux de combats.

Principaux lieux de combats et de passage du 119e Rgmt de Ligne de 1808 à 1811 (fond de carte : https://www.cartograf.fr/les-pays-espagne_2.php).

Conclusion :

Outre les registres matricules ou listes de départ, il est intéressant de s'aventurer dans des sources moins connues, mais qui permettent d'entrer un peu plus dans le détail du parcours d'un soldat pendant l'époque napoléonienne : correspondances de Napoléon, liste des soldats blessés ou tués, études de la SEHRI... Si vous connaissez d'autres sources, n'hésitez pas à m'en faire part !

Bibliographie et sources :


CROYET Jérôme, 2011. Les régiments de marche de l'armée d'Espagne 1808-1809. In "Le Bivouac", 2011-2. pp26-34. [En ligne]

MARTINIEN, Aristide, 1899. Tableaux par corps et batailles des officiers blessés et tués pendant les guerres de l’Empire (1805-1815). Edition Henri Charles LAVAUZELLE, Paris. 824p. [En Ligne].

NAPOLEON 1er. Correspondance de Napoléon Ier. Tome XVII / publiée par ordre de l'Empereur Napoléon II. Imprimerie Impériale, Paris. [En Ligne


Site internet de la Société d'Etudes Historiques Révolutionnaires et Impériales (SEHRI) : http://assosehri.fr/topic/index.html 

Archives départementales de la Moselle :
  • Affectation et contrôles de départ.  Infanterie légère (9e/24e régiments). Archives départementales de la Moselle, 2R8.
  
Service Historique de la Défence :
  • Registres matricules de l’Infanterie de ligne - 119ème Régiment d'Infanterie de Ligne, SHD/GR 21 YC 844-
  • Dossier personnel de solde de retraite - Dossier de Louis-Joseph WALENTIN, SHD 2Yf28343.

mardi 4 décembre 2018

Nouveau #Projet3Mois - La vie de Louis-Joseph Walentin (1788-1849)

Mon nouveau #Projet3Mois constitue la suite logique du précédent, puisqu’il va s’intéresser à la vie de Louis-Joseph WALENTIN, fils de Catherine VALENTIN.

Je ne m’étalerai pas sur sa naissance et la recherche de son père biologique, puisque ces questions ont été abordées dans le précédent #Projet3Mois (Épisode 2 : Qui est le père de Louis-Joseph Walentin ? et Épisode 5 : des actes retrouvés). Pour autant, soyez sans crainte ! Je ne manquerai pas de faire mention des éventuelles avancées que je pourrai faire au hasard des recherches que je vais faire !

La vie de Louis-Joseph couvre toute la première moitié du 19e siècle. Cette période offre, pour le généalogiste, une multitude de sources d’un grand intérêt comme le cadastre, les tables de successions en absences, les registres matricules ou autres documents dont certains sont apparus après la Révolution française.

Pour ce #Projet3Mois, j’ai décidé d’étudier la vie de Louis-Joseph de sa conscription (à l’âge de 18 ans), à son décès en 1849 (à l’âge de 60 ans). J'ai déjà beaucoup d'informations en ma possession mais il reste quelques interrogations et des sujets que je voudrais approfondir. La suite de mon article vous propose les principaux points que je vais étudier, ce qui constitue mon plan de recherche pour les trois prochains mois.


Mon plan de recherche 


1/ La question du W et de l’apprentissage de l’écriture chez les V(W)ALENTIN 


W comme Walentin ! Voici typiquement un article du #ChallengeAZ ! Et effectivement, j’en avais déjà parlé en 2013.

Je souhaiterais aujourd’hui essayer d’aller plus loin dans mon analyse. Pourquoi le V s’est-il transformé en W ? Qui a eut cette initiative ? Pourquoi ? Comment ce W s’est-il « propagé » dans les branches de l’arbre généalogique?

Cette étude me permettra également d’étudier l’apprentissage de l’écriture dans la famille. En effet, le grand-père de Louis-Joseph, Bernard Valentin, ne savait par écrire comme en témoignent les premiers actes où il appose simplement une marque ordinaire. Pourtant, après plusieurs années, Bernard apprend à signer. Ces enfants suivront ensuite une éducation et apprentissage de l’écriture qui permettra notamment à l’un de ses fils de devenir greffier puis maître d’école. Les enfants de Louis-Joseph apprendront également à signer et écrire.

Signature de Louis-Joseph Walentin en 1818 (AD57)


2/ La conscription de Louis-Joseph et étude « sociologique » des conscrits mosellans de 1807

En 1807, Louis-Joseph est âgé de 18 ans. En avril, l'Empereur demande la levée des conscrits de 1808 par anticipation, soit 60 000 hommes. Louis-Joseph ne déroge pas à cette décision et malheureusement, tire le mauvais numéro. Il part donc avec le 13ème régiment de ligne en juin de cette même année. Comment se passait la conscription durant le Premier Empire ? Comment ont-elles été vécues par les hommes dans les campagnes ?

Voltigeur et carabinier français de la ligne
d'après Hippolyte Bellangé.
J'ai pu récupérer toute la liste des conscrits de la Moselle de juin 1807 entrant dans le 13ème régiment de ligne, soit plus de 150 hommes. Cette liste offre la particularité de contenir des informations intéressantes comme leur taille, la couleur des cheveux ou leur profession. Une bonne occasion de réaliser quelques statistiques pour comprendre le contexte social et culturel de l'époque!

3/ Le parcours de Louis-Joseph dans la Grande Armée


Louis-Joseph a combattu dans le 13ème de ligne, puis dans le 119ème régiment d'infanterie légère. Après une instruction à Ostende, son bataillon a été transféré à Dax pour partir ensuite en Espagne. Il a ainsi participé à de nombreux combats avant d'être blessé à l'avant-bras en 1811. J'aimerais aujourd'hui préciser son parcours : quel a été son itinéraire ? Comment se passait la vie de soldat dans la Grande armée ? Quelles ont été les circonstances de sa blessure ? Comment s'est déroulé son retour ?

4/ Vie sociale et économique de la famille de Louis-Joseph


Catherine Valentin et Jacques Régulier sont décédés en 1809 avec une situation financière peu confortable. Ils n’avaient aucun bien immobilier et la vente de leurs biens mobiliers a été nécessaire pour pouvoir payer leurs dettes. Ainsi, Louis-Joseph ne pouvait compter que sur lui-même pour assurer la vie de sa famille. Or, à son décès en 1849, on apprend qu’il était propriétaire d’au moins deux maisons et qu’il n’avait aucune dette. Comment a-t-il pu réussir à assurer la sécurité financière de sa famille ? Quels étaient ses sources de revenus ? Comment s'est-il finalement enrichi pendant sa vie ?

5/ Les liens de famille avec ses frères et sœurs ? 


Du côté de sa mère, Louis-Joseph avait un demi-frère et une demi-sœur (Jean Jacques Régullier et Marguerite Gasner). Ont-ils conservé des liens durant leur vie ? Sont-ils restés proches ? Pour répondre à ces questions, je vais devoir notamment retrouver les différents actes des évènements qui ont ponctué la vie des trois enfants de Catherine Valentin.

mardi 27 novembre 2018

#ChallengeAZ 2018 - Lettre W écrite à WALENTIN Louis-Joseph

La famille Valentin aura eu la bonne idée de modifier l'orthographe du patronyme en changeant le V par un W, ce qui me permet aujourd'hui de continuer sur ma lancée en écrivant ma lettre du #ChallengeAZ 2018 à Louis-Joseph WALENTIN, fils de Catherine VALENTIN pour qui j'ai écris ma missive d'hier.

***

Mardi 27 novembre 2018

Louis-Joseph,

J'ai écris hier à votre chère mère pour qui j'ai beaucoup d'affection. Je sais que sa vie n'a pas été facile et qu'elle a été confrontée à bon nombre de soucis. J'espère en tout cas qu'elle a pu profiter des moments joyeux.

Tout comme votre mère, votre existence a été façonnée par le déroulement de l'histoire. Vous êtes né à la veille de la Révolution française, en août 1788. Votre maman, célibataire, vivait encore avec ses parents dans une maison du domaine du Lüe, situé dans la paroisse de Hayes.Vous êtes encore un petit enfant lorsqu'elle se marie avec Jacques Régulier, domestique du comte de Jobal. Pourtant, cet équilibre familial reste précaire puisque Jacques doit émigrer avec son maître aux pires moment de la Révolution. Votre mère est contrainte de divorcer d'avec son époux et la situation devient difficile. Heureusement, toute la famille est accueillie chez votre oncle à Pontigny.

Malgré ces circonstances misérables, vous suivez une éducation qui vous permettra d'apprendre à écrire. Je suis toujours admiratif de votre signature qui montre votre maîtrise de l'écriture. Votre parrain, Louis Valentin, maître d'école à Servigny, n'y est sans doute pas pour rien.



Après le retour de Jacques Régulier, le noyau familial se reforme pour habiter dans une petite maison située dans la rue principale de la commune des Étangs. Il y avait votre mère, Jacques Régulier, votre frère cadet Jean-Jacques Régulier, et votre petite sœur, Marguerite Gasner, née du second mariage de votre mère avec Nicolas Gasner.

Seulement, quelques années plus tard, vous êtes convoqués. C'est l'heure de la conscription. La Grande Armée a besoin d'hommes car les guerres se suivent et demandent des contingents de plus en plus importants. Au jeu du hasard, vous tirez malheureusement le mauvais numéro.

En juin 1807, vous quittez votre mère pour partir, loin. C'est d'abord Ostende, dans le département de la Lys, où vous suivez votre instruction militaire au sein du 13ème Régiment d'Infanterie Légère.

Je disais que votre vie a été façonnée par l'histoire. Effectivement, à la fin de l'année 1807, l'engagement de la France dans les affaires de la péninsule Ibérique déclenche la guerre d'Espagne. C'est un conflit brutal qui s'étalera sur plus de six ans, et qui affaiblira irrémédiablement l'Empire. 

C'est à ce moment que votre bataillon entre dans la formation du 13ème régiment provisoire qui sera ensuite rattaché au 119ème régiment de ligne. Vous partez au combat sur le territoire espagnole.

Les combats s'enchaînent. Vous échappez aux blessures, à la fièvre dysentérique, mais aussi à la mort. Chaque semaine, on compte de plus en plus de blessés, de malades et de décès. Parmi eux, il y avait des compagnons d'arme, mais aussi des amis car c'est tout votre groupe de jeunes conscrits de juin 1807 qui se retrouve dans le 119ème régiment de ligne.

Medina-del-Rio-Seco, Burgos, Saragosse, Avila...

Et puis il y a ce jour du 3 juin 1811, à Astorga. Lors de combats, vous êtes atteint par un coup de fusil à l'avant-bras droit, fracturant le radius. Vous êtes rapatrié à Dax pour être soigné. Malgré les soins, la balle ne peut être extraite. Vous êtes congédié en vous pouvez rentrer au pays, après 4 ans d'absence.

Pendant ce temps, la vie s'était écoulée. Votre mère et Jacques Régulier sont partis rejoindre le bon Dieu. Vous retrouvez alors votre frère et votre sœur, un moment sans doute mêlé d'émotions de joie et de tristesse.

Vous vous marierez ensuite avec Catherine BERARD pour fonder une famille, votre famille. Vous vivrez alors simplement grâce à votre emploi de manœuvre et la pension de 150 francs annuelle que vous recevrez en tant que soldat retraité.

Louis-Joseph, je ne sais pas si je dois vous le demander directement. Pourtant, il me reste une question aujourd'hui sans réponse. Malgré mes recherches et les indices en ma possession, je ne sais toujours pas qui est votre père. Peut-être ne le savez-vous pas vous-même ?

Veuillez recevoir en tout cas, mon chez Louis-Joseph, toute l'affection d'un lointain descendant.

Sébastien