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mercredi 21 novembre 2018

#ChallengeAZ 2018 - Lettre R comme Réponse inattendue

#ChallengeAZ 2018, Lettre R.
Voyez-vous chères lectrices et chers lecteurs, il peut arriver que des lettres transmises à des collatéraux et ancêtres ne restent sans réponse. En voici la preuve ;)




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Mercredi 21 novembre 2018,


Mon fils,

Je vous écris du très-haut, de là-même où j'ai reçu votre lettre. Vous disiez que les voies du Seigneurs sont impénétrables ? Détrompez-vous mon cher !

La lecture de votre texte m'a beaucoup amusé et j'avoue m'être reconnu dans la description que vous faisiez de moi. Oui, vous avez raison. J'ai été l'instigateur de l'arrivée de nombreuses familles dans le comté de Bitche, et notamment de mes neveux et nièces. J'ai été très heureux d'apprendre que les BECKERICH ont prospéré dans tout le royaume et dans les pays estrangers! Me voilà donc rassuré et je trouve que finalement, mes agissements ont eu du bon !

Par contre, je m'inscris en faux devant vos dires selon lesquels j'avais beaucoup plus la foi en l'argent qu'à notre Père. Oui, certes, je me suis enrichi, mais c'était pour le bien de mes paroissiens ! Comprenez : ils étaient sans le sou, ne pouvez vivre de manière décente. Il y avait des défrichements à réaliser, des maisons à reconstruire...  Il fallait que je les aide. Mais moi, avez-vous pensé à moi ? Imaginez donc! Moi, pauvre prêtre de campagne, déraciné de son pays natal ! Je ne pouvais faire don des quelques livres tournois en ma possession qui me permettaient de vivre ! Je n'aurais pas pu apporter la bonne nouvelle sans argent. Il fallait donc que je puisse prêter sans être pris au dépourvu! Comprenez-vous ? Mon fils, qu'auriez-vous fait à ma place ?

Je me trouve en tout cas très honoré d'apprendre que mon nom a traversé les siècles et des siècles et, est parvenu jusqu'à vous. C'est pour cela que je vous pardonne pour les quelques mots un peu abruptes que vous avez écrits. Un pardon qui a une grande valeur, puisqu'il est donné par un homme d’Église !

Sachez en tout cas, mon fils, que vos lettres sont parvenues et parviennent encore aux personnes qui vous sont chères et à qui vous avez transmis vos mots et sentiments. Soyez-en rassuré. Cependant, n'attendez-pas nécessairement des réponses immédiates et laissez vous porter par vos instincts et votre cœur. Sans doute réussirez-vous à ressentir la relation profonde et spirituelle qui vous lie à eux.

Pour l'heure, mon fils, saluez votre famille, ainsi que votre cousine Catherine dont vous m'avez parlé.

Allez en paix.


Père Dominique Gungler

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Vous pouvez retrouver ma lettre au père Dominique Gungler ici

jeudi 8 novembre 2018

#ChallengeAZ 2018 - Lettre G écrite à ma Grand-Mère, Mamie

Au septième jour, le #ChallengeAZ2018 dure toujours !

J'ai souhaité aujourd'hui écrire quelques mots à ma grand-mère maternelle, ma Mamie, malheureusement disparue. Il y a d'abord les bons moments ainsi que tous ces petites choses qui font renaître en moi des souvenirs vagues et émus. Et puis il y a eu des moments plus difficiles liés à la maladie et la perte d'un être cher. 


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Jeudi 8 novembre 2018,

Mamie,

Cela fait maintenant 18 ans que tu nous as quitté, par un triste matin d'avril 2000. Je me souviens de ce jour et des derniers moments de ta vie. Tu étais alitée, tu ne mangeais plus, tu ne bougeais plus, tu ne nous reconnaissais quasiment plus. Alzheimer... quelle sordide maladie !

A quoi bon se ressasser des instants douloureux ? Mamie, ce que je veux retenir de toi ce sont les bons moments, je voudrais me souvenir des belles choses...

Tu es venue au monde un jour de décembre 1926 à Luttange, en Moselle. Pourtant, tu es née italienne car ton père, Baptiste, était natif de Tavernerio près de Como.

C'est après la guerre que tu rencontres, lors du mariage d'une cousine, un jeune homme de 23 ans. Entre lui et toi, c'est le coup de foudre. En 1947, vous vous mariez. Vous vous aimerez alors d'un amour fou, d'un amour tendre. Tous diront qu'il était le mari idéal et toi, tu l'aimais.

De cet amour, naîtront quatre enfants, dont Maman. De belles années, de très belles années. Et puis il y eut la maladie de Papi. Des séquelles de la guerre a priori, rongé par les médicaments.

En juin 1981, il est hospitalisé. A ce moment, j'étais un petit être bien au chaud dans le ventre de ma maman, prêt à sortir et à découvrir le monde. "Tu crois que je verrai mon petit-fils ?" demandait-il à sa sœur.

Je suis né le 22, il est parti le 26, sans m'avoir vu. J'ai la gorge nouée en écrivant ces mots.

Ma chère Mamie, ce moment a été terrible pour toi. Un drame. Un déchirement. Tu ne t'en es jamais vraiment remise. 

Après, il y a mes propres souvenirs. Petit, tu me prenais sur tes genoux en chantant "Ah cheval sur mon papa...". Je me souviens encore des goûters, de l'odeur du café, de la couleur des tasses. Je vois encore cette boîte à sucres rose. Tu vas sans doute rire de là-haut, mais tu vois mamie, cette boîte, je l'ai gardé précieusement...



Et puis tu es tombée malade. Tes propres souvenirs disparaissaient, petit à petit, et avec eux, c'était des morceaux de ta vie qui partaient. Je venais te voir. J'avais 17 ou 18 ans. Tout de même, on a autre chose à faire à 18 ans que d'aller voir sa grand-mère malade ! Peut-être. Mais je préférais venir pour te "garder". C'est terrible d'écrire ça, ça me fait mal. Mais tu étais redevenue une enfant.

Alors les après-midi de ma jeune vie d'adulte, je venais m'assoir à côté de toi et je te tenais la main. Et quand, dans un moment de lucidité, tu te tournais vers moi et tu me disais avec un sourire "Ah ! mais c'est toi ?", alors, je me disais que ça valait la peine de passer ces petits bouts de temps ensemble.

Mamie, je ne te l'ai jamais dit, mais je t'aime de ton mon cœur.


Ton petit-fils, Sébastien

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Vous retrouverez dans quelques jours une lettre que j'ai écrite à ma grand-mère paternelle, ma Mémé.

En complément, je vous invite à lire un article qui m'a vraiment touché au début du ChallengeAZ. C'est celui de Laventuregénéalogique qui a souhaité, elle-aussi, rendre hommage à sa grand-mère disparue en 2009. C'est poignant.

lundi 5 novembre 2018

#ChallengeAZ 2018 - Lettre D écrite à Dominique GUNGLER

Deuxième semaine et quatrième jour du #ChallengeAZ 2018. Cette année, je vous propose une lettre, écrite à l'un de mes aïeux ou collatéraux. Des lettres pour interroger, pour rendre hommage, ou tout simplement pour dire ô combien certains de mes aïeux me manquent... 

Ma missive de ce lundi est destinée à Dominique GUNGLER, curé originaire du Luxembourg ayant vécu à la fin du XVIIè siècle. Il était le frère de l'une de mes aïeules, Gertrude GUNGLER (ma sosa 1345). A partir de 1681, il s'est installé dans le pays de Bitche et a activement participé à l'arrivée des BECKERICH à Bettviller en Moselle...

Source : http://www.bitscherland.fr/Canton-de-Rohrbach/Bettviller/eglise-bettviller.html


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Lundi 5 novembre 2018,

Mon père, 
Permettez-moi de vous écrire cette lettre, en remerciement de vos actions et de votre ministère.

Je ne sais que très peu de choses sur vos origines, si ce n'est que vous avez officié de 1652 à 1677 à Garnich, puis un temps à la paroisse de Sandweiler, située à l'est de Luxembourg. En 1681, vous arrivez, comme d'autres prêtres luxembourgeois, dans le Comté de Bitche. Vous vous installez d'abord à Lemberg, puis à Bettviller.

A cette époque, les effets de la Guerre de Trente Ans étaient encore perceptibles tant la population avait été meurtrie et décimée. Les instances politiques et religieuses cherchaient alors à repeupler le pays. A partir de 1660, les villages se repeuplent grâce à l'arrivée de Suisses, de Tyroliens, de Picards,  puis de Savoyards.

Dans cette quête au repeuplement, vous avez su habilement attirer des membres de votre famille et de vos connaissances; certains diront en faisant valoir votre réussite non pas sur le plan spirituel, mais surtout sur le plan matériel... Les voies du Seigneur sont impénétrables me direz vous !

Je tenais tout de même à vous féliciter pour votre propension à appliquer quotidiennement les Saintes Écritures. Je dois dire que vous avez réussi avec brio à mettre en pratique les principes de la multiplication des pains, à votre propre richesse pécuniaire.

Bon, certaines mauvaises langues diront que vous ne vous montriez pas très empressé à desservir les paroissiens le dimanche, et que le maniement de l'argent constituait une activité pendant laquelle le zèle ne vous faisait pas défaut.  Mais bon, tout de même, Mon Père, la moitié de la paroisse de Bettviller vous devait de l'argent ! 


Quoi qu'il en soit, je ne vous en tiens pas rigueur. Grâce à vous (et donc grâce à Dieu, ne l'oublions pas!), vous avez contribué à l'installation de votre sœur, Gertrude, ainsi que de ses enfants, tous BECKERICH dans le pays de Bitche. Étant le descendant de Guillaume, votre neveu, qui s'est marié en 1705 avec Marie Elisabeth FISCHER, je ne peux que vous en être reconnaissant !

Enfin, sachez que grâce à vous, la famille BECKERICH a prospéré dans tout le territoire et bien au-delà de ses frontières ; rendez-vous compte à Paris et mêmes aux Amériques !  Ceci fait que je rencontre de temps à autres de lointains cousins ou cousines BECK(E)RICH. Je pense par exemple à Catherine avec qui j'ai noué contact il y a quelques mois. 

Vous voyez, Mon Père, en définitive, tout ceci valait bien quelques "écarts" dans votre ministère !

Je suis en tout cas heureux d'avoir pu écrire ces quelques mots et je vous prie d’agréer, Mon Père, l'expression de mon respectueux souvenir.

Sébastien

jeudi 1 mars 2018

#RMNA 2018 - Episode 3 : Chrétien, entre soulagement et incompréhension

Troisième article de la première saison de #RMNA – Raconte-Moi Nos Ancêtres. Le principe est simple:  prendre une année comme point de départ d'une saga ou d'une série d'articles. Pour cette saison, notre point de départ à tous est l'année 1918.

Pour les deux premiers épisodes, vous avez découvert les parcours de mon arrière-grand-père, Pierre HOURTE et celui de Paul JOHANNES, tous les deux français de cœur. Cette semaine, je vous propose d'entrer un peu plus dans la complexité de la situation de la Moselle en 1918, au travers du parcours de mon arrière-grand-père paternel, Chrétien BECKERICH. Il vivait dans la partie "germanophone" de la Moselle, et comme beaucoup, il a assez mal vécu les méthodes employées par le nouveau pouvoir pour franciser à tout prix la région...



Des retrouvailles et des questions

Rimelingen (Rimling) - décembre 1918

Après 4 ans de combats, la guerre est belle est bien terminée. En ce mois de décembre 1918, les familles de Moselle s'apprêtent à célébrer Noël : le premier Noël français depuis plus de quarante ans. Si pour certains cet évènement est riche de symboles, pour d'autres, le temps incite plus aux questionnements et aux inquiétudes.


A Rimling, Chrétien Beckerich est en visite chez un ami. Les deux hommes sont attablés et parlent
en "Platt", leur langue natale, également appelée francique rhénan :
(La plupart des mots sont ici traduits en français) 

"- Chrétien, je suis bien heureux de te voir. Tu as eu de la chance de revenir en vie après ces quatre années de guerre !
- Ja ja. D'autres n'ont pas eu cette chance. Dreck macht speck ! On m'a dit que mon cousin Nicolas est mort dans un hôpital militaire à Sarrebrück au début de l'année. Je suis très triste car Nicolas était comme mon frère."

Après un moment de silence, Chrétien s'empare du journal qui était posé sur la table :

"- Un journal en français... il parait que l'on veut nous obliger à parler en français ?
- Ja. J'ai entendu cela. Je suis bien incapable d'aligner la moindre phrase. Les français veulent nous faire oublier l'allemand.
- Mais nous ne parlons pas allemand !
- Eux considèrent que si. Les français de l'intérieur voient d'un mauvais œil tous ceux qui parlent une langue qui ressemble de près ou de loin à l'allemand!"
Nouveau moment de silence. Chrétien semble inquiet. Certes, la guerre était terminée et l'Allemagne, que la plupart souhaitait voir perdre, était vaincue. Pourtant, rien n'est simple. Chrétien reprend la conversation :
"- Je ne sais pas trop ce qui va nous arriver avec tout ça...
- Moi non plus. J'étais heureux de la victoire de la France, j'étais présent à l'arrivée des soldats français à Bitche, il y a quelques semaines, mais tout ça... ça prend une tournure qui ne me plaît pas...
- Finalement, qui sommes-nous ? des allemands ou des français ?
- Je ne sais pas Chrétien... je ne sais pas".
La scène se termine sur ces mots et ces doutes...

Petite biographie de Chrétien BECKERICH


Chrétien BECKERICH (années 1920)
Chrétien BECKERICH (ou BECKRICH) est le père de ma grand-mère paternelle. Enfant naturel de Jeanne BECKERICH, il est né le 10 mai 1891 à Rimling. Jeanne ne le gardera pas et le confiera à son frère Jean et son épouse qui vivaient à Rimling.

Au début de la première guerre mondiale, Chrétien est enrôlé dès la mobilisation générale du 3 août 1914 au sein du 8ème Régiment de Réserve d'Artillerie à Pieds Bavarois. Pendant toute la durée de la guerre, il combat dans la même unité et enchaîne les batailles: Verdun en 1914, Champagne en 1915, à nouveau Verdun en 1916, Reims en 1917 et Champagne en 1918.

Enfin, le 11 novembre 1918, Chrétien est démobilisé. Comme de nombreux alsaciens-mosellans, il rentre au pays, sans savoir ce qu'il adviendra du statut de la Moselle et de l'Alsace.

Quelques mois plus tard, il se marie à Montbronn avec Madeleine MEYER et part s'installer à Clouange (Moselle), sans doute pour trouver un travail. Il devient serrurier. Trois enfants naîtront à Clouange dont ma grand-mère. Au début des années 1930, toute la famille revient s'installer à Rimling, jusqu'en 1939.

Cette année 1939 marque le début de la seconde guerre mondiale. Dès le 1er septembre, le maire de Rimling reçoit l’ordre d’évacuation. Pas question de traîner, car le délai est court… Les habitants disposent de deux petites heures pour emmener l’essentiel. La famille part alors pour la commune de Bassac, située en Charentes. Après plusieurs mois, les Rimlingoies retournent dans le village, qui était alors annexé par les allemands (1). C'est en 1942, pendant la guerre, que ma grand-mère se marie avec mon grand-père.

Après le débarquement de 1944, les troupes alliées avancent et gagnent le Bitcherland (Pays de Bitche) à la fin de l'année. Après plusieurs mois d’âpres combats, Rimling est enfin libérée et toute la famille redevient définitivement française.

Madeleine meurt quelques années après la fin de la guerre, en 1949. Chrétien vivra quand à lui jusqu'à l'âge de 85 ans.

Les changements brutaux demandés aux mosellans de culture et de langue germanique


Comme je le précisais dans mon premier article, les alsaciens et les mosellans vivent dans une grande incertitude après le 11 novembre 1918. Après l'euphorie de la victoire de la France, la morosité et le désenchantement s'installent. Tout comme Chrétien Beckerich, les mosellans germanophones se voient contraints de parler une langue qui ne connaissent pas. Ainsi, le département de la Moselle fait l'objet d'une francisation "radicale", au risque de bousculer la population germanophone qui n'avait jamais parlé le français (pas même avant 1870). Le français devient ainsi la langue exclusive de l'éducation, même si une circulaire de 1919 tolère l'usage de l'allemand.



La frontière linguistique en Moselle (Source : Wikipédia)


En effet, un des premiers malentendus est né dans les régions germanophones car les français croyaient que la grande majorité de l'usage de l'allemand datait de l'annexion de 1871. Or, le parler "allemand" ou plutôt le francique rhénan, remonte à plus de 15 siècles d'histoire. A Saint-Avold, on ne parlait le français que dans la bourgeoisie ! (2).

Finalement, au delà de la langue, c'est toute une culture et une identité propre que les mosellans ont du abandonner au nom des valeurs et de l'universalisme de la France.

Après la fin de la guerre, des grèves éclatent dans les mines et usines sidérurgiques. D'abord motivées par des revendications sociales, elles revêtent de plus en plus un caractère politique pour la reconnaissance de la qualité des Alsaciens-Mosellans, considérés comme des français de seconde zone (3). Il est vrai qu'à Paris, on se méfie de la population locale et on préfère installer des "français de l'intérieur" aux postes clefs. Les Mosellans ont le sentiment d'être des citoyens de seconde zone dans leur propre pays (4).

Le retour à la France de la Moselle et de l'Alsace n'a pas été sans difficulté. Pour beaucoup, elle a été synonyme de profonds changements et d'un apprentissage d'une langue et d'une culture méconnues. Ce moment a, dit-on, beaucoup marqué mon arrière-grand-père.

Sources :

(1) L'histoire de Rimling, à lire sur le site internet de la commune : http://www.rimling.fr/les-malheurs-de-la-guerre.html
(2) Becker Bernard. Novembre 1918 : Les Naboriens redeviennent français. (Société d’Histoire du Pays Naborien). En ligne : http://www.shpn.fr/page149/page149.html
(3) ASCOMEMO, 2007. Le retour de la Moselle à la France 1918-1919. Collection Mémoire en Image. Editions Sutton. 96p.
(4) Jean-François THULL, 1918 – 2008 : 90e anniversaire du retour de la Moselle à la France, Les Cahiers Lorrains, 2008, N. 3-4, pp. 76-79.