Tu es né en 1923. La guerre de 14-18, la "Der des Der", était terminée depuis déjà 5 ans et la Moselle redécouvrait la vie française. Tes parents sont en effet nés allemands, mais ont reçu une éducation à la française... A trois ans, ta mère décède. Ton père se remarie quelques années plus tard.
En 1939, la guerre éclate. Tu avais presque 16 ans. C'était d'abord la drôle de guerre, rien ne se passait vraiment ; et puis, en mai 1940, les soldats allemands ont envahis la France. La Moselle et l'Alsace revivent les moments terribles de 1871 et sont intégrées au Reich... Malgré-toi, tu es devenu allemand.
En 1942, tu avais 19 ans. La police allemande t'a arrêté sans ménage car elle te soupçonnait de sabotage à l'usine où tu travaillais. Tu a été envoyé dans un camp de prisonniers.
Quelques mois plus tard, tu a été contraint de prendre l'uniforme allemand.Après une période de formation, tu es parti vers l'Est. C'est sur le font soviétique que l'on envoyait le plus souvent les Alsaciens et Mosellans qui avaient été incorporés de force dans la Wehrmacht, pour éviter toute tentation de fuite.
Le jour de tes 20 ans, tu es arrivé sur le front de Stalingrad. Devant toi, il n'y avait plus un arbre, seulement la désolation. Tu as dit "Oh maman...". Tu as ensuite vécu l'horreur de la guerre. Tu n'as jamais vraiment voulu en parler.
En février 45, tu as été blessé pendant la bataille de Kurland. Pendant un moment, tu resteras paralysé. Tu es envoyé à l'hôpital à Regensburg (Ratisbonne). La blessure étant sévère, tu y resteras pendant le restant de la guerre. Lorsque l'on connait le sort des soldats allemands qui ont combattu à Kurland, sans doute cette blessure, aussi douloureuse soit-elle, t'a sauvé la vie...
En mai 1945, tu a été libéré de l'hôpital. Après avoir récupéré quelques habits civils, tu a pris la route pour la Moselle et tu as pu retrouver ta maison. Tu es redevenu français, et surtout libre.
Mon grand-père fait parti des milliers de jeunes alsaciens et mosellans qui ont été enrôlés de force dans l'armée allemande. Tous n'eurent pas la chance de revenir vivant. Après la guerre, certains eurent du mal à comprendre comment de jeunes français ont pu revêtir l'uniforme allemand. Certains diront qu'ils étaient collabos. L'histoire est beaucoup plus complexe qu'elle n'y parait. Avaient-ils le choix ? Quelle choix ? Partir en guerre du côté allemand ou refuser, et entraîner avec eux, toute leur famille dans les camps de concentration ? Je le sais, mon grand-père détestait cet uniforme, il le haïssait. Qu'aurais-je fait à sa place ? Je ne sais pas. La seule chose que je sais, c'est que l'on ne peut pas les juger.
A partir des témoignages de proches et documents retrouvés, j'ai pu retracer l'histoire de mon grand-père. J'ai aujourd'hui un immense respect pour lui et son parcours.
> Pour ceux qui ont l'occasion de passer à côté de Metz, je vous conseille l'exposition "Malgré-Eux dans l’armée allemande- Les incorporés de force mosellans 1942-1945", aux archives départementales de la Moselle (Saint-Julien lès Metz), jusqu'au31 août 2013 (entrée libre).
Plus d'informations.
Je n'ose imaginer ce que cela pouvait être pour eux ... Trop loin de Metz, mais cette exposition doit valoir le coup !
RépondreSupprimerBon article sur un thème que nous avons abordé tous les deux ;-)
RépondreSupprimerD'où tiraient vous les faits de l'arrestation par exemple ? de témoignage, d'archives ?
Fabrice
Merci Fabrice.
SupprimerJe n'ai pas de documents personnels de mon grand-père datant de la guerre. J'ai pu retracer son histoire et notamment le moment de l'arrestation via le témoignage d'une grande-tante (sa soeur). J'ai ici fait un condensé car elle a pu m'apporter beaucoup d'informations. Concernant son parcours militaire, j'ai pu le récupérer grâce à la WASt à Berlin, qui m'a renvoyé un document d'une page (régiments, bataillons, blessures...). Si vous ne connaissez pas, voici le site : http://www.dd-wast.de.
Bonne journée,
Sébastien