samedi 20 janvier 2018

Une soirée dans la maison de Charles DANY - # RDVAncestral

Lors de mon premier #RDVAncestral, j’ai rencontré Marie HACARDIO, mon aïeule à la huitième génération, qui était alors âgée de 16 ans. Elle vivait avec son frère chez son oncle, Charles DANY, qui était également son tuteur depuis la mort de ses parents. Lors de notre rencontre, elle m’avait proposé de revenir le soir même pour le rencontrer. J’étais donc bien décidé à rester jusqu’à la fin de la journée pour faire connaissance avec le reste de la famille… 

La magie du Rendez-vous Ancestral vous fait voyager dans le temps et dans l’espace en un clin d’œil. Aussitôt que je m’éloignais de la maison, je me retrouvais à l’entrée du village, quelques heures plus tard.

Dans la campagne, l’ambiance était très différente par rapport à mon arrivée durant l’après-midi. Le bruit des chevaux et des hommes au travail avait laissé la place aux seuls chants des oiseaux. Les merles annonçaient la fin de la journée tandis que les hirondelles planaient au dessus de ma tête. La fraîcheur et l’humidité commençaient à remonter du sol. Le soleil allait bientôt se coucher. Nous étions sans doute à la fin de l’été.

Bien décidé à revoir Marie et à rencontrer son oncle et tuteur, Charles DANY, je m’avançais à nouveau vers le village de Schell, en direction de leur maison. En parcourant la rue, je croisai plusieurs personnes. Je les saluai, et ils me saluèrent non sans un regard mêlé de surprise et d’interrogation. On ne devait pas croiser beaucoup d’étrangers dans le village ! L’un d’entre eux était peut-être Jean DEFLORENNE, également mon aïeul, qui vivait à Schell à cette époque. Je ne le saurai sans doute jamais, à moins d’une rencontre dans un prochain Rendez-vous Ancestral ?

J’arrivai enfin devant la maison. C’était une maison lorraine typique avec d’un côté, une grande porte ouverte sur la grange et les écuries, et de l’autre, séparées par un couloir central, les pièces à vivre. Entre le bâtiment et la rue, différents chariots, outils ainsi que des tas de bois et de fumier étaient entreposés dans un espace que l’on appelle l’usoir.

L'Usoir - village de Bulles en Lorraine belge (Source : Wikipédia)


Marie était là. A côté d’elle, un homme s’employait à détacher un cheval attelé à une charrette en bois. Elle me vit et me fit un sourire. Elle s’adressa alors à l’homme qui était, comme je le supposais, Charles DANY : 
- « Mon oncle, voici la personne dont je vous ai parlée et qui est passée cet après-midi.
- Bonsoir monsieur, me dit-il, Marie m’a parlé de vous. Vous êtes un cousin éloigné m’a-t-elle dit ?
- Oui, en quelque sorte. Je suis très heureux de vous rencontrer. » 
 Charles s’approcha de moi pour me serrer la main. Je pris ce geste comme une marque de confiance et d’approbation de ma visite. Charles repris alors la discussion :
- « Le souper va être bientôt servi. Venez manger avec nous, le repas est simple, mais vous remplira le ventre.
- Avec plaisir. Je vous en remercie !
- Marie, pourriez-vous prévenir votre tante que nous avons un invité ce soir, nous mangerons dans le poële ».
Marie partit alors à l’intérieur de la maison. Charles me laissa quelques instants, le temps d’amener le cheval à l’écurie, puis m’accompagna pour entrer dans la maison. La porte en bois s’ouvrit sur un long couloir qui traversait la maison jusqu’à son fond. Nous prîmes la première porte à gauche pour arriver dans une pièce éclairée par une fenêtre qui donnait sur la rue. Nous étions dans la chambre de devant, que l’on nomme ici le « poële », ou le « pâl ». J’en fus très flatté car il s’agissait de la seule et unique « belle » pièce de la maison où l’on faisait entrer les hôtes d’honneur.

La maison de Charles était une maison récente et plutôt moderne pour l’époque. Le poële servait de chambre pour la nuit, mais également de salle à manger pour les grands jours. Autour de la table et des chaises en paille, on retrouvait une grande armoire, des coffres en bois et des lits recouverts chacun d’un traversin, d’un drap et d’un demi-drap vert.

Nous entrâmes ensuite dans la cuisine, où se tenait le reste de la famille. La pièce était extrêmement sombre car il n’y avait aucune fenêtre. Seule une grande ouverture au-dessus du toit et à côté de la cheminée permettait d’entrevoir le peu de lumière qui subsistait à cette heure de la journée. A l’arrière, une porte était entrouverte. Elle laissait entrevoir une pièce obscure dans laquelle je reconnaissais une maie à pétrir. Le sol était en terre battue.

Charles me présenta ensuite sa famille. Marie, son épouse, portait dans ses bras la petite Christine, qui était âgée de un an. Parmi les autres enfants, il y avait Jean, neuf ans, son unique fils issu de son premier mariage, puis Anne-Marie, sept ans, Madeleine, cinq ans, et Catherine, trois ans. Charles était également tuteur de Marie et Nicolas HACARDIO, ses neveux. Il me présenta enfin un domestique et une servante qui les aidaient dans leurs tâches quotidiennes.

Après ces présentations, la table fut mise.

La servante nous amena une soupe trempée de bouillon et servie avec des choux, des fèves et des morceaux de lard. Tout le monde mangeait en silence et on entendait seulement le bruit des cuillères qui tapaient et raclaient dans les assiettes en étain. Bien que simple, je me régalais de ce souper offert de si bon cœur par mes hôtes de la soirée.

Le repas terminé, je suivis toute la famille en direction de la cuisine ; c’était le temps de la veillée. Nous nous asseyâmes autour de la cheminée, sans autre lumière que celle du foyer. Voilà un moment simple que je n’aurais manqué pour rien au monde. La chaleur de la braise me réchauffait le corps, la chaleur humaine me réchauffait le cœur. J’étais très ému de partager cet instant avec eux. Je pensais alors à notre époque soi-disant moderne où l’on a remplacé les veillées par la télévision où les Smartphones…



Charles parla ensuite des travaux de la journée, de la récolte qui serait plutôt bonne et de l’automne qui arrivait. Au fur et à mesure de la discussion, il me parla de ses parents qui étaient venu s’installer à Schell, près de 50 ans plus tôt :

- "Mon père, Nicolas, était originaire de la paroisse de « Momni* ». Je ne connais pas la raison qui a poussé mes parents et d’autres familles à quitter leur village pour venir ici. Ce que je sais, c’est que leur arrivée était attendue car il fallait repeupler le pays. On raconte qu’il y a cent ans, la peste et des hordes de Cravattes** ont tout ravagé. Depuis, le village de Schell était en ruine et recouvert de forêt. Il fallait défricher, couper le bois, dégager les ruines des anciennes maisons pour en extraire les pierres, puis reconstruire. Les hommes les plus vaillants et les moins fortunés sont venus faire se travail. Puis, lorsque le village fut reconstruit, et les terres labourables, le reste des familles arriva. Ma mère m’a raconté que le voyage n’a pas été facile. C’était l’hiver, il faisait froid et elle-même attendait son quatrième enfant. Ma sœur, Madeleine vint au monde quelques semaines plus tard. Cette naissance symbolisait le retour de la vie, et cela représentait beaucoup pour les Seigneurs de Luttange. Pour preuve, Madeleine eut le Sieur d’Attel pour parrain… "

J’écoutais cette histoire avec fascination, mais le temps était venu de quitter la famille. Je prétextai qu’une personne devait me chercher à Vinsberg. Charles ne me posa pas de question et me remercia de ma visite. En retour, je le remerciai chaleureusement car j’avais passé un moment très fort en leur compagnie. Je saluai Marie HACARDIO en lui demandant de bien prendre soin d'elle.

La magie du Rendez-vous Ancestral vous fait voyager dans le temps et dans l’espace en un clin d’œil. Aussitôt que je m’éloignais de la maison, je me retrouvais assis devant mon ordinateur, bien décidé à mettre des mots sur ce que j’avais vécu…


* Momignies, aujourd’hui en Belgique. On devait le prononcer de la sorte car le nom du village est retranscrit de cette manière dans les registres en Moselle (AD57) 

 ** Croates. Le pays thionvillois subit de nombreuses attaques et mouvements de troupes pendant la guerre de Trente Ans. Ce fut le cas notamment des troupes messines (françaises) qui attaquèrent le village de Luttange par deux fois (le secteur était alors luxembourgeois). D’autres troupes pillèrent certains villages. La présence de croates et de suédois a semble t-il, particulièrement marqué les esprits. 

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Sources :
  • Charles DOSSE, 1981. Luttange. 72p. Ed. Zalc, Metz. (Dans cet ouvrage, on retrouve la description de la vie d’un laboureur du 17ème siècle à Luttange, dont je me suis inspiré). 
  • Arch. Dep. de la Moselle. Justice seigneuriale de Luttange – Cote B5248, acte n°34. Inventaire après décès des biens d’Hellaine Longuville en date du 16 février 1730 (Hélène Longueville est la mère de Charles DANY et la grand-mère de Marie HACARDIO). 
  • Arch. Dep. de la Moselle. Justice seigneuriale de Luttange – Cote B5247, acte n°22. Inventaire après décès des biens de Charles DANY en date du 16 mars 1771. 
  • Arch. Dep. de la Moselle. Registres paroissiaux de la paroisse de Luttange. Actes relatifs aux baptêmes, mariages et sépultures de la famille Charles DANY/ Marie MAYER (9NUM/431ED1E2 à 9NUM/431ED1E6). 
Retrouvez toutes les contributions du #RDVAncestral sur le site http://rdvancestral.com/

4 commentaires:

  1. En lisant cette description aussi minutieuse, on a envie de s’installer dans le poële avec toi pour partager cette soupe conviviale.

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    1. Merci beaucoup pour ton commentaire. L'inventaire après-décès de Charles et le livre de Charles Dosse m'ont beaucoup aidé). La prochaine fois, je te prévois une petite place pour venir manger cette bonne soupe !

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  2. Là encore proximité avec ses proches, récit bien conduit, donnant envie de decouvrir cette famille et la région.

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    1. Merci Fanny. Je pense rédiger un article bientôt sur la famille Charles DANY et son rôle dans le village. Il devait être un des plus importants laboureurs.

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